L'émission par la filiale de la Banque mondiale (BM), la Société financière internationale (SFI), des actifs de finance islamique de l'ordre de 100 millions de dollars a confirmé, selon les experts en la matière, la solidité et l'intégration de ce mode dans le monde de la finance internationale. Dans le contexte actuel, caractérisé par une crise financière sans précédent, la finance islamique se présente de plus en plus comme une véritable alternative. Selon les chiffres de la Banque islamique de développement (BID), le secteur représente près de 1000 milliards de dollars dans le monde. Le marché de la finance islamique a déjà été estimé en 2007 à 700 milliards de dollars. Comparativement à la finance conventionnelle, elle demeure toutefois marginale avec un taux de pénétration, évalué lors d'un séminaire organisé à Alger sur ce thème l'an dernier, de 1%. En revanche, l'encours des banques islamiques n'a pas cessé de progresser entre 2003 et 2007 (+15% par an) grâce notamment aux revenus des pays du Golfe et de l'Asie du Sud-Est, régions connues par un fort de développement économique. Certains experts prévoient que 40% à 50% de l'épargne des pays musulmans seront gérés par la finance islamique d'ici 8 à 10 ans, contre 10% en 2007. Les principales banques islamiques sont, entre autres, Al Rajhi Bank (Arabie Saoudite), la Kuwait Finance House (Koweït), la Dubai Islamic Bank (Dubai), l'Abu Dhabi Islamic Bank (Emirats arabes unis) et la Bank Al Jazira (Arabie Saoudite). En Algérie, il existe deux banques versées dans le secteur, à savoir Al Baraka Bank, créée par des capitaux mixtes (publics et privés) en mai 1991, et A Salam Bank, agréée récemment par la Banque d'Algérie. La Tunisie et le Maroc sont parmi les derniers pays à autoriser la finance islamique vers la fin de l'année 2007. Quant à la finance islamique dans le Golfe, elle représente en 2008 moins de 20% des encours en moyenne des secteurs bancaires. La banque saoudienne Al Rajhi détient à elle seule 40 milliards de dollars d'actifs (fin juin 2008), suivie par la Kuwait Finance House, possédant 38,7 milliards, ainsi que la Dubai Islamic Bank (Emirats arabes unis) dont la valeur des actifs est estimée à 24,9 milliards de dollars. En Europe, c'est au Royaume-Uni que s'est développée la première industrie de la finance islamique. Les Britanniques ont été les précurseurs en matière de révision de la législation bancaire afin de capter l'argent des pays du Golfe, contrairement aux Français qui, malgré l'intérêt manifesté, demeurent hostiles à ce mode de financement, pour des raisons plus politiques qu'économiques. L'autorité financière britannique (Financial Services Authority) a dû faciliter l'intégration des banques islamiques. C'est en 2004 que la première banque du genre a été agréée, il s'agit de l'Islamic Bank of Britain. Aujourd'hui, l'industrie financière et bancaire britannique compte d'autres banques pleinement islamiques, dont on peut citer l'European Islamic Investment Bank et la Bank of London and Middle East. Notons au passage que la finance islamique est enseignée dans les universités britanniques et françaises comme étant une spécialité à part entière (Master 2) au vu de ses règles et de ses spécificités scientifiques. Une banque mondiale pour les pays musulmans La Banque islamique de développement (BID) est née en 1975 pour être véritablement une banque mondiale pour les pays musulmans. Son siège est basé à Djeddah, en Arabie Saoudite, et son but reste le développement économique et le progrès social des pays membres et des communautés musulmanes, selon toujours les principes de la finance islamique. Cette institution peut participer aux capitaux en actions propres et accorder des prêts pour des projets productifs et des entreprises, sans compter l'aide financière aux pays membres sous d'autres formes. Elle compte actuellement 56 pays membres. Le système de la finance islamique est basé depuis sa création sur les principes de la charia qui sont essentiellement l'interdiction de l'intérêt, appelé également l'usure, et la responsabilité sociale de l'investissement. Elle est liée étroitement à la rentabilité financière d'un investissement avec les résultats du projet concret associé. L'Islam interdit les transactions faisant recours à la spéculation (gharar) ou au hasard (massir). Cela est lié, selon les spécialistes, à la perception du rôle de la monnaie dans une société. Du point de vue islamique, la monnaie demeure un simple instrument de mesure dans les échanges et non pas un bien productif. La formule arithmétique «l'intérêt génère l'intérêt» appliquée dans les finances conventionnelles n'a pas droit de cité dans les finances islamiques. Le principe fondamental du banking islamique reste l'intervention directe de l'établissement bancaire dans les transactions financées. La rémunération qu'elle perçoit se justifie soit par sa qualité de copropriétaire des résultats du projet financé dans le cas d'une «moudharaba» ou d'une «moucharaka», soit par la prestation de commercialisation ou de location de biens préalablement acquis par elle, dans le cadre d'une «mourabaha», d'un «idjar» (leasing/location-vente) ou d'un «salam». D'autres modes de financement sont pratiqués également, à l'exemple de «l'istisna'a», qui est présenté comme un contrat d'entreprise en vertu duquel une partie (moustasni'i) demande à une autre (sani'i) de lui fabriquer ou construire un ouvrage moyennant une rémunération payable d'avance, de manière fractionnée ou à terme, et de sukuk (des titres boursiers et obligataires propres à la finance islamique). Des secteurs illicites Il existe évidemment des secteurs d'investissement classés «illicites» dans le système financier islamique. La nature de l'activité dans laquelle un investissement sollicite un financement doit être toujours conforme à la charia. Ainsi, les jeux de hasard, les activités en relation avec l'alcool, l'élevage porcin, l'armement, l'industrie cinématographique suscitant ou suggérant la débauche ou la déchéance de l'être humain sont considérés des secteurs d'investissement prohibés. Parmi les critiques formulées à l'égard de ce système, les spécialistes citent la faiblesse des profits financiers générés par rapport à ceux de la finance classique. Cependant, l'aspect positif de la finance islamique, qui a été souligné avec force durant le débat sur la crise financière, est la sécurité. L'affaire des subprimes a démontré les faiblesses du système des taux d'intérêts (l'usure) pratiqués par les banques américaines qui a fini par la contamination des sphères mondiales.