On sait que toute âme est vouée à la mort, donc nul n'est éternel. Or qu'advient-il d'un conducteur au volant qui appuie sur le champignon, voit le véhicule se renverser, ouvre ses yeux pour hélas constater le décès de son ami ! Et l'excès de vitesse est un délit. Selma Bedri, la juge du samedi d'El Harrach (Alger), ne voulait pas ajouter la douleur au déchirement de deux familles endeuillées et dans un mauvais pétrin. Tout le monde sait qu'un accident mortel n'est que la volonté d'Allah et le destin est ce qu'il est. L'inculpé d'homicide involontaire savait très bien que le tribunal était au courant du sinistre ayant entraîné mort d'homme. L'inculpé est encore tout retourné lorsqu'il s'est aperçu que son compagnon assis à la place du mort venait de rendre l'âme lorsque le véhicule s'était renversé pour excès de vitesse. «Je suis incapable de vous raconter dans le détail l'accident», reconnaît l'inculpé, encore tout retourné, quelques jours après la catastrophe qui l'a mis dans de mauvais draps. Youssef Menasra, le représentant du ministère public, n'a aucune question à poser à l'inculpé, car le procès-verbal de constat et les premiers témoignages sont à eux seuls éloquents. Il n'y a rien à dire ou à redire. Il n'y avait qu'à bien observer le regard de cette présidente pourtant prompte à débiter six questions à la fois lorsque le dossier l'exige. Ajoutons à cela la tête que faisait l'inculpé qui avait perdu en cette triste occasion, un ami par sa faute. Bien sûr, la loi a prévu des réparations dans ce cas d'espèce. Bien sûr, l'inculpé roulait très vite. Il n'avait rien dans le sang qui puisse en faire un gars à poursuivre pour conduite en état d'ivresse. Il n'y avait pas aussi non-assistance à personne en danger, encore moins un délit de fuite, mais l'excès de vitesse était, lui, bel et bien prouvé ! A propos, que faisait l'inculpé à la barre avec le chapelet de questions que se posaient les proches, les amis et même les parents de la victime ? Il était debout achevant probablement l'enquête d'un accident mortel dans lequel il y était pour quelque chose, c'est pourquoi une lecture du verdict annoncé machinalement par cette sacrée juge qui a dû mettre en branle ses méninges et ses neurones pour respecter la loi, la mémoire du mort et la dignité de l'inculpé fautif et plein de remords. Et ce verdict est allé à l'année de prison assortie de sursis, en passant par une amende de dix mille dinars !