La célébration du vingtième anniversaire de la chute du mur de Berlin ne doit pas faire oublier qu'il reste encore trop de murs dans le monde pour crier victoire sur toutes les séparations. C'est la nouvelle directrice générale de l'Unesco, la bulgare Irina Bokova qui le dit : «aujourd'hui, nous vivons dans un monde globalisé mais trop de murs restent debout.» Pour trois raisons au moins la déclaration est d'une grande pertinence. La première, bien évidemment, du fait que si l'humanité ne doit pas crier victoire parce que les obstacles qui se dressent entre les hommes sont encore nombreux, il reste que la chute du mur de Berlin, il y a 20 ans, était un événement d'une telle ampleur historique qu'aucune volonté de tempérer l'enthousiasme de ceux qui le fêtent à sa juste dimension ne saurait être négligée sous prétexte qu'il n'aura pas servi à grand-chose ou qu'il est passé de mode. La deuxième est que, venue de Bulgarie, madame Bokova doit certainement, un peu plus que beaucoup, savoir de quoi elle parle quand il est question de murs. Parce que si celui de Berlin séparait physiquement les allemands de l'est et ceux de l'ouest d'un même pays, il ne s'agissait en l'occurrence que de couronner un partage territorial et politique que les communistes n'ont tout de même pas décidé tout seuls. Symboliquement au moins, que le mur de Berlin incarne donc la fin d'un système totalitaire, c'est aussi de victoire et de défaite qu'il était question. Et ça recommence comme en quarante, comme dirait l'autre. De ce partage du monde, il est clair que ce sont ceux de l'est, que ce soit de Berlin ou de Sofia, qui en ont le plus souffert. Des pays givrés dans leur développement, une expression bâillonnée, des libertés inexistantes et un niveau de vie entretenu au niveau des besoins élémentaires, voilà pour l'image. S'il subsiste aujourd'hui des relents de nostalgie, cela est dû essentiellement à la désillusion du fait que la prospérité promise par le capitalisme triomphant n'a pas toujours été au rendez-vous. Enfin, la troisième raison est que les murs de séparation, qui sont autant de verrues honteuses sur la face de la terre, ne sont pas appréhendés avec la même volonté d'en finir et surtout de venir à bout de ce qu'ils cachent. Et leur longueur ou leur épaisseur n'y est pour rien. Les murs du Sahara occidental, de Palestine et de Corée ne suscitent pas le même enthousiasme qu'il y a vingt ans à Berlin. Les murs qui sont dans les têtes encore moins. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir