Irina Gueorguieva Bokova, l'ex-ministre bulgare des Affaires étrangères, 57 ans, brocarde au finish Farouk Hosni, le ministre égyptien de la Culture depuis 22 ans Elle a été élue au 5e et dernier tour par 31 voix contre 27 à la tête de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco). Son investiture aura lieu le 15 octobre à Paris, lors de l'assemblée générale des 193 membres de l'Organisation. Tout en félicitant d'être «la première femme à la tête de l'Unesco», un signe important de l'égalité des sexes qui demeure un objectif important, dit-elle, elle promet de rendre l'institution qu'elle dirigera pendant quatre ans «plus efficace, plus démocratique et plus forte» et de commémorer dans deux mois, comme il se doit « la chute du Mur de Berlin et la réunification de l'Europe». Présenté par les médias comme le favori des neuf candidats, dont Mohamed Bedjaoui, qui ont ouvert la compétition la semaine dernière, l'Egyptien, dont la position s'est fragilisée au cours des tours successifs, ne dirigera pas l'institution des Nations unies. La perspective de le voir élu conformément à l'engagement de l'Occident de laisser pour la première fois la direction de l'Unesco à un représentant du monde arabe, a été sapée par le «lobby juif à Paris, l'ambassadeur américain à l'Unesco et l'appel lancé dimanche par Mme Ferrero-Waldner après le retrait de sa candidature. La Commissaire européenne aux Relations extérieures avait clairement appelé à faire barrage au candidat égyptien, au nom des «valeurs morales» et des «idéaux» de l'Unesco. Tous ont tenu à rappeler à l'Egyptien ses «prises de position antisémites et anti-israéliennes». Interrogé avec insistance au Parlement égyptien sur la présence de livres en hébreu insultant l'Islam dans la bibliothèque d'Alexandrie en 2008, il aurait répondu : «Brûlons ces livres. S'il y en a, je les brûlerais moi-même devant vous». Les «regrets» de M. Hosni et ses mises au point sur ces paroles qui auraient été sorties de leur contexte, selon lui, semblent n'avoir servi à rien. L'UNESCO POLITISÉE ? Ceux qui étaient à la recherche d'une candidature anti-Hosni, y compris Bernard Kouchner malgré la «voix» de la France promise par Nicolas Sarkozy à Hosni Moubarak, ont glissé des «positions» idéologiques à la politique. Ils lui ont reproché son appartenance à un régime pratiquant la censure et ses liens avec les auteurs de la prise d'otages de l'Achille Lauro en 1985 qu'ils auraient protégés. «Ce n'est pas quelqu'un qui aurait dû même être candidat à ce poste», déclare Elie Wiesel. Le philosophe Bernard-henry Lévy, qui s'était engagé avec le prix Nobel de la paix contre le candidat arabe, a salué l'élection de l'Européenne comme une «victoire de la morale sur la realpolitik et sur les petits arrangements politiques». Une autre explication pourrait être avancée pour expliquer cet échec : l'incapacité du monde arabe et africain à présenter un candidat commun : sur les neuf, quatre sont des Arabes ou Africains. Outre l'Egyptien et l'Algérien, il y a le Tanzanien Sospeter Mwijarubi Muhongo et le Béninois Nouréini Tidjani-Serpos qui ont fait, pour reprendre Aimé Césaire, «une foule qui ne sait pas faire foule». L'élection de la déléguée permanente de la Bulgarie à l'Unesco, membre de son Conseil exécutif depuis 2007, et vice-présidente du groupe francophone des ambassadeurs, montre, dixit le ministre égyptien de la Culture, que l'Unesco est devenue «politisée». Selon plusieurs diplomates arabes en poste à Paris, cette élection a été l'œuvre de «tractations en coulisses» et de «postes promis à certains pays en échange de leur voix» par «l'alliance des Etats-Unis et de l'Europe» combinée à «la pression des organisations juives». Sarkozy, qui a soutenu le candidat égyptien, pour s'assurer du soutien de l'Egypte dans le projet d'Union Méditerranéenne», doit se mordre les mains en voyant son projet s'évaporer. «Le camp des radicaux a entériné un conflit de civilisations», affirme Khattar Abou Diab, un chercheur en sciences politiques à l'Université de Paris III estimant que «les Etats arabes, africains et du tiers monde devaient y voir un défi qui leur est directement adressé».