Kouka L. devait être très belle, il y a de cela un quart de siècle. A la barre, elle est victime de faux et usage de faux face à son ex, un élégant homme, juriste, qui s'était oublié, qui avait oublié les deux inculpations qui l'avaient traîné à El Harrach et s'était embourbé dans le passé vécu avec l'ex. La présidente agacée a refusé de laisser Baaziz jouer à ce jeu dangereux surtout qu'il avait osé évoquer des relations de son ex avec d'autres «collègues-voyants». C'était trop pour le juge... Kouka L., la quarantaine largement dépassée, est victime de faux et usage de faux. Son adversaire n'est autre que Baaziz F., cinquante-sept ans, un juriste mal dans sa peau car lui l'inculpé a, à la barre, face à Nadia Bouhamidi, la présidente de la section correctionnelle non-détenus du tribunal d'El Harrach (cour d'Alger), à sa gauche la victime qui est en même temps, hélas, l'ex-épouse et la maman de sa fille ado, heureusement pour le mental, absente des lieux, ce qui va permettre à Baaziz F. de vider son cœur et sortir ses tripes durant les débats qui vont voir une juge pourtant d'habitude tolérante, demander aux parties de demeurer dans les faits du jour, en l'occurrence, le faux et usage de faux dans le maniement d'un contrat de location du local de madame qui avait cédé probablement aux «avances» de l'ex-mari, estimant que si l'amour entre eux deux était bel et bien décédé, enterré, la bienfaisance à autrui, et ici au père de sa fille unique, devait prendre le dessus. - «Il m'a trompée durant notre union et je...» dit kouka L. vite stoppée par Bouhamidi, la juge qui gardera la tête froide lorsqu'elle entend la victime se reprendre : «Il m'a trompée en effectuant un faux sur un document qui lui permet de jouir de l'occupation des bureaux loués à un prix raisonnable», raconte-t-elle. - «C'est une sorcière, madame la présidente, c'est une voyante qui a des relations et je..., coupe Bâaziz F. vite rappelé à l'ordre : «Inculpé, sorcière voyante peuvent à la limite être tolérés par le tribunal, mais ce truc de relations, c'est quoi et pas d'outrage !», tonne alors la magistrate qui va vite s'apercevoir que l'inculpé se rappelant sans doute qu'il était juriste, allait faire une déclaration d'ordre général. - «Madame la présidente, elle a des relations avec d'autres voyantes qui crient à qui veut l'entendre qu'elle ont le bras long et une longue... vue sur les... interventions. Bouhamidi tape du poing sur la table, Faïza Mousrati, la jeune représentante du ministère public, effectue du bout des lèvres les demandes autour de cette affaire : «Dix-huit mois de prison ferme et une amende de vingt mille dinars», juste après que Kouka L. eut demandé deux millions de dinars de dommages et intérêts. Le pauvre Bâaziz F. avait senti que ce dossier sentait la condamnation. Une semaine plus tard, il ne sera même pas à la barre pour prendre acte du verdict : dix-huit mois de prison assortis du sursis. Il décidera d'interjeter appel mais là ce sera une autre histoire, car Baaziz n'aura même pas le temps de trop s'exprimer, les trios des chambres correctionnelles, noyés dans de nombreux dossiers, ne permettent aucune prolongation «ni tirs au but» pour départager les parties. Et dire que Kouka avait aimé follement Baaziz. Avait, nous le soulignons bien volontiers.