A nous l'Afrique, dixit un jour le roi numide, Massinissa. A nous Le Caire, doivent se dire aujourd'hui les descendants de Chachnaq. Durant plus d'une semaine, une ambiance très particulière s'est emparée des quatre coins du pays. D'Alger à Tamanrasset, d'Annaba à Oran, le climat est le même. Une joie sans précédent régnait dans les foyers, rues, ruelles, boulevards et places publiques. Jeunes, vieux, hommes et femmes, tous préparent la fête. Selon eux, la victoire est certaine et l'important aujourd'hui est de soutenir la sélection nationale. La conviction de voir triompher l'Algérie, en cette soirée, alimente les esprits. À Alger tout le monde est branché sur cette rencontre. Pour accompagner les Verts dans cette bataille, toutes les couches de la société se sont mêlées et se mobilisent. Les jeunes envahissent tous les quartiers. Ils attachent des banderoles, des pancartes et des drapeaux dans tous les coins de la ville. Accroché sur les façades des bâtiments et des maisons, liant les deux côtés des rues et enrobant véhicules et personnes, l'emblème national orne les villes, les quartiers et les moindres petits villages du pays. À Alger, l'image enchante. Le vert, le blanc et le rouge, les couleurs du drapeau national, embellissent les rues. Interrogé, Saïd, un quinquagénaire de Ben Aknoun, nous a dit que «depuis les manifestations qui ont suivi la proclamation de l'indépendance de l'Algérie, nous n'avons pas assisté à un tel engouement. Ça me rappelle vraiment le bon vieux temps», a-t-il martelé. Les familles ne sont pas restées indifférentes. Durant toute la journée d'hier, elles étaient nombreuses à rejoindre les jeunes dans leurs préparatifs et à partager cette ambiance. Des dizaines de familles sillonnaient les principales artères de la capitale. Au boulevard Hassiba Ben Bouali et à la rue Didouche Mourad, l'ambiance de liesse était remarquable. Des enfants, des hommes et des femmes ont parcouru ces lieux en entonnant des chansons et des slogans glorifiant la sélection nationale. Pour Yasmina, femme au foyer, sortir et crier à la gloire des Verts n'est pas un passe-temps ou une manière de se défouler. «Bien au contraire, cela relève de l'obligation de tout un chacun de soutenir notre équipe nationale de football», nous dit-elle. Les familles algériennes dansent aussi L'ambiance est à son comble dans tous les quartiers. Les chansons fusent de plusieurs chaînes stéréo installées, on ne sait par quel génie, sur les toits des voitures. Des chansons qui s'ajoutent aux applaudissements nourris des passants. Pour Yassine, l'Algérie donne l'image de fêter une précieuse victoire. Celle de l'équipe nationale de football. «Nous faisons confiance à nous joueurs», a-t-il estimé. En pleine extase, sa copine Samia, enrobée des jambes jusqu'à la tête de l'emblème national, a déclaré que ces manifestations de joie représentent un encouragement pour nos stars. Pour elle, la qualification au mondial est très proche et nous devons saisir cette chance pour partir en Afrique du Sud. Les familles, dont on vient de citer l'exemple, ne sont pas les seules à manifester leur solidarité avec l'équipe nationale. Elles sont, de ce point de vue, la catégorie qui participe le plus à cette ambiance. Circulant avec leurs voitures ornées de banderoles et de drapeaux, ils klaxonnent et manifesteront jusqu'aux dernières heures d'avant le match. Les habitants des quartiers de la capitale n'ont pas dormi à cause des coups de klaxon et de la musique endiablée diffusée par les véhicules. Si la plupart des jeunes ont préféré préparer toutes les conditions pour fêter une victoire, incertaine jusqu'ici, les autres ont fait de cet événement une activité commerciale et lucrative. Ils ont tout calculé pour gagner de l'argent. Installés sur les trottoirs et les places publiques, dans les marchés et près des magasins, face aux universités et établissements scolaires, ces jeunes exposent une variété de «produits dérivés» de l'équipe nationale. Emblème national, tee-shirt prototype de la coupe du monde, survêtements, brassards et foulards, pétards, fumigènes et feux d'artifice, les produits exposés suscitent un engouement particulier auprès de la population. Malgré les prix élevés de ces produits, les citoyens délient facilement la bourse pour s'offrir un objet parmi ceux qui sont exposés. Ces jeunes vendeurs, qui ont envahi toutes les villes du pays, n'hésitent pas à passer d'une maison à l'autre, empruntant au besoin les bus et les trains, dans le but de vendre leurs marchandises aux alentours de la capitale. Entre ceux qui manifestent et ceux qui préfèrent l'activité commerciale, les soucis et la joie sont identiques. Ils espèrent tous une victoire de l'Algérie. La seule idée de la victoire leur fait oublier toutes les peines et souffrances quotidiennes qui hantent leur vie en temps normal. Pour certains d'eux, les Algériens n'ont pour le moment qu'un seul souci : «la qualification au mondial ! »,selon Djamel B. «Après la rencontre, on verra», a-t-il poursuivi. La rage de vaincre Malheureusement, une bande de voyous égyptiens a décidé, à l'arrivée de la délégation algérienne au Caire, de fausser l'ambiance. Les blessures de quelques joueurs algériens ne font qu'ajouter à la détermination de tout leur public. La nouvelle de l'agression des co-équipiers de Rafik Saïfi par des supporters égyptiens, a certes influé sur les esprits des Algériens, mais les Egyptiens doivent se rendre à l'évidence : une agression ne fait que renforcer davantage une conviction prouvée à maintes reprises. A nous l'Afrique, dixit un jour le roi numide, Massinissa. A nous le Caire, doivent nous dire aujourd'hui les descendants de Chachnaq. C'est dire que l'agression des joueurs, au Caire, n'a fait que raviver cette rage de vaincre des Algériens qui se sont vite mobilisés pour dénoncer cet acte d'un autre âge. Que le meilleur l'emporte.