Ils étaient savants, avaient organisé leur société, et luttaient contre les Romains en grands stratèges. Avant les Français, les Turcs et les Romains, il y avait… les rois numides, les ancêtres des Algériens. Une grande civilisation que la Grèce antique considérait comme son égale et qui malmena pendant longtemps Jules César. L'archéologue Mahfoud Ferroukhi leur a consacré un livre, paru chez Dalimen, qu'il présente à l'espace Noûn, samedi à Alger. A ne pas rater ! Ces rois numides, de sacrées personnalités ! Comparé à la conquête de la Gaule, il semblerait que les Romains aient rencontré une résistance plus coriace en Afrique du Nord… Oui, une résistance farouche ! A travers le livre, j'essaie d'ailleurs de transmettre un message : si les Romains ont eu tant de mal à conquérir l'Afrique du Nord, c'est parce qu'il existait déjà une civilisation très structurée, presque équivalente à la civilisation grecque. Au IIe siècle avant J.-C., avant même que Rome ne soit Rome, les rois imazighen étaient vénérés en Grèce. On érigeait des statues en leur honneur, comme à Athènes ou à Rhodes. Et on parlait de Massinissa comme une divinité. Il faut savoir que le peuple était pratiquement le même : beaucoup de Grecs vivaient en Numidie. Selon les statistiques, au temps de Juba II, 30% des noms inscrits sur les épitaphes des nécropoles de Cherchell étaient grecs. La Numidie était-elle un royaume au sens où nous l'entendons aujourd'hui ? Quelle relation le roi avait-il avec ses sujets qui ne le connaissaient qu'à travers les pièces de monnaie ? On sait par exemple que le royaume était très peuplé. Stéphane Gsell estime que sous Juba II, la population de Cherchell (Caesarea) était d'environ 500 000 habitants, ce qui faisait de la capitale un grand pôle méditerranéen. Quant au roi, il ne se déplaçait pas seulement pour partir en guerre mais aussi pour visiter son royaume. Après son passage, les villes édifiaient une statue, car à cette époque, les rois étaient divinisés. A-t-on des données sur la façon dont les Numides vivaient ? Que sait-on de cette civilisation ? C'est là que les choses se compliquent. On sait beaucoup de choses de par ce qui a été écrit, notamment par Stéphane Gsell, archéologue et historien français, qui a écrit l'Histoire ancienne de l'Afrique du Nord en huit tomes entre 1913 et 1928. Mais tout doit être reconsidéré. Oui, car cette partie de l'histoire reste méconnue… D'ailleurs, pourquoi a-t-on l'impression qu'en Algérie, l'histoire commence avec les Romains ? En effet, et cela s'explique. Notre histoire a été fragmentée, même défaite par les colonisations, en particulier par les Français. L'archéologie coloniale était faite par des militaires. Il n'aurait pas été possible de dire à un militaire que ce Berbère, cet Arabe, qu'il était en train de coloniser, même s'il portait un burnous et ne savait pas écrire son nom, descendait d'une civilisation au moins aussi développée, sinon plus, que la sienne. Voilà pourquoi notre histoire a été conditionnée par un prisme, pas toujours objectif. Vous dites que la plupart des sources ont toutes quasiment disparu, été brûlées ou détruites par les Romains. Aujourd'hui, des chercheurs pourraient-ils trouver via l'archéologie, des nouvelles données susceptibles d'éclairer cette époque ? Oui, car les anciennes civilisations, à la différence de la nôtre, ne rasaient pas pour construire, elles bâtissaient sur ce qui existait. Mais sans aller jusqu'aux fouilles, de nouvelles recherches doivent être entreprises sur ce qui nous entoure, comme les tombeaux, les villes, avec les techniques modernes que nous n'avions pas il y a un siècle : la datation au carbone 14, les sonars, les relevés en 3D… Avec ces moyens, nous pourrions, par exemple, dater à l'année près les monuments comme le mausolée de la Soumâ du Khroub. Samedi 6 mars à 15h à l'Espace Noûn, 9 rue Chaabani. Tél. : 021 71 62 45.