Beaucoup de parkings respectent les normes du gardiennage. Ailleurs, çà et là devant le laxisme des autorités locales, des voyous se permettent tout, même de gratuites agressions menant à la délivrance de certificats médicaux qui parlent d'eux-mêmes. Et les juges sont là, le glaive tournoyant. A l'appel de son nom, le détenu se lève du box et sort sans faire le moindre bruit, il s'avance à la barre en marchant sur les talons : «J'ai des douleurs au niveau des chevilles», dit-il à la présidente en guise d'excuse. - «Vous avez vu un médecin en prison ?», demande à dessein la magistrate. - «Oh ! oui et j'ai même été bien soigné. Je remercie tout le monde en prison.» - «Voulez-vous être jugé sans l'assistance d'un avocat ? Si vous désirez en constituer un, le tribunal peut décider d'un renvoi, le temps d'avoir un conseil...», suggère la juge qui venait d'appliquer la loi, et seulement la loi. - «Non, madame la présidente. Je n'ai pas les moyens de me payer un défenseur. Et d'ailleurs, personne de ma famille n'est venu me voir ici.» - «Peut-être que vos parents ne sont pas au courant.» - «Si, si madame la présidente mais mon père en a marre de moi, il faut dire que j'ai exagéré», précise Abdelhamid F., la trentaine, une trentaine entachée de neuf procès tous délits confondus. - «Qu'est-ce donc cette histoire de coups et blessures volontaires à l'encontre de ce monsieur», venait de demander sans expression la présidente de la section du tribunal où une forte assistance avait pris place depuis 8h30, sous l'œil vigilant de toute une brigade d'agents de la DGSN dont le chef garde a en mémoire la récente évasion d'un détenu à la suite d'un moment de distraction d'un policier. C'est dire que la vigilance est de mise. ! C'est la victime, un quinquagénaire coquettement vêtu, un joli bouc poivre et sel encadrant un menton haut, qui va expliquer qu'il était de passage chez sa sœur alitée qu'il n'avait pu voir que le temps qu'elle donne de ses nouvelles, avant de redescendre reprendre son véhicule. «Au moment où je plaçai la ceinture de sécurité, une ombre avait assombri la voiture. Je levai la tête et vis cet homme, un gourdin à la main, me faisant comprendre avec ses phalanges qu'il fallait payer», ajoute la victime qu'il allait poursuivre son récit par une malheureuse phrase : «Il m'a dit : “Descend, chien.” Je suis descendu et c'est à ce moment qu'il m'a assommé d'un coup de tête. Je suis tombé pour ne rouvrir les yeux qu'au poste de police avec en face de moi, cet énergumène neutralisé par les riverains qui me connaissent et qui avaient alerté les policiers, arrivés vite sur les lieux.» - «Alors qu'avez-vous à dire inculpé Abdelhamid ?» - «Il n'a pas voulu me payer», articule le visage l'inculpé. - «Payer quoi ?» tonne la magistrate qui allait se permettre une diatribe autour de ses racketteurs des rues et parkings sauvages. - «Avez-vous une autorisation de l'APC sur vous ? Etes-vous agréé par la wilaya ?», demande la juge qui prend note des demandes de la victime qui ne se désiste pas et demande cinq millions de centimes à titre de réparation. - «Trois ans de prison ferme et dix mille dinars d'amende» balance sans état d'âme la représentante du ministère public. «Le dernier mot inculpé ?», rumine la juge qui n'en aura pas. Et comme pour avertir les fans des racketteurs, elle inflige deux ans de prison ferme pour coups et blessures volontaires que suit un arrêt de travail de vingt et jours sauf complications.