Quel est le rôle de la poésie dans la préservation du patrimoine musical, telle est la problématique inhérente au colloque international «Anthropologie et musique» qui se tient durant trois jours au Mougar. Cette seconde édition initiée par le Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques se propose d'appréhender le texte poétique et sa structure mélodique dans la poésie maghrébine savante et populaire. De nombreux conférenciers d'horizons divers, comme MM. Bourayou, Hammam, Subai Abbas, Poche Christian, Cortés Garcia Manuel, Tyrvainen Helena, Lambert Jean, Bouzid Meriem, ont apporté des éléments de réponse à cette relation entre poésie et musique, tout en élaborant une perspective relative à une transmission et préservation de cette musique face aux exigences de ce 21e siècle. La poésie joue un grand rôle dans la cohésion sociale Des diverses communications de haute facture, il ressort que la production littéraire tient une place de choix dans la recherche musicologique et ethnomusicologique : «Si les textes sont souvent écrits ou répertoriés, les musiques sont généralement de tradition orale.» Par ailleurs, il s'avère que les relations textes poétiques et musique varient, «allant de la convergence à la contradiction en passant par toutes sortes de décalages, de compatibilités et de complémentarités». Le texte a une fonction cardinale relevant de préoccupations sociales, d'éducation, d'apprentissage religieux et politique. Ces textes jouent un rôle prépondérant dans la cohésion sociale. A ce sujet, le conférencier Madjid Merdaci, dans sa communication intitulée «Une poétique de la transformation», rappelle par exemple que «le malouf à Constantine est un corpus intra-muros, c'est une musique de consécration lors de mariages, de retour de pèlerinage qui a une valeur de communication». Dans cet optique, il indique que «le retour en force du hawzi montre le retour en force des mutations sociales, ce qui implique que la demande sociale s'est recomposée et les nouveaux acteurs ne prennent pas en compte la citadinité». Pour clore, il souligne que «les corpus poétiques se rapportent toujours à la société». L'école pour préserver le patrimoine musical Pour hadj Meliani de l'université de Mostaganem, qui aborde la thématique «Textes et musiques nomades, le cas de la chanson raï», évoque le manque de travaux de recherche de musicologie de cette musique. Il pose comme préalable la légitimation du raï. «C'est une musique syncrétique, le raï emprunte beaucoup de textes à d'autres genres musicaux comme le melhoun, le rap, le reggae, etc.» Dans le raï, il existe un nomadisme de textes et de musiques. C'est le seul genre qui adapte le répertoire féminin, dit-il, avec comme exemple Zahouania qui était au départ une meddaha. «Cette flexibilité et cette adaptabilité ont donné lieu a des recompositions et à des réécritures marquant l'originalité du genre raï», précise M. Meliani. Sayed Ali a mis en exergue «Chérif Kheddam chantre de la chanson kabyle». Pour lui, «Kheddam est passé maître dans l'art d'organiser, ajuster, de rendre possible ce qui était aléatoire. Il sait mieux que personne fondre et enchaîner les éléments, orchestrer les nœuds et les liens savamment composés», signale M. Sayed. D'autres conférences aussi intéressantes porteront sur le rôle du système éducatif dans la transmission et la préservation du patrimoine musical ainsi que l'apport des techniques modernes dans cette préservation.