Réflexion n «Anthropologie et musique : poésie et préservation du patrimoine musical», tel est l'intitulé du colloque international de trois jours qui se tient depuis hier à la salle El-Mougar. Organisé sous le patronage du ministère de la Culture par le Centre national de recherches préhistoriques anthropologiques et historiques, ce colloque fait suite à la première édition qui, rappelons-le, s'est déroulée en 2007 dans le cadre d'«Alger, capitale de la culture arabe». Abdelhamid Bourayou, universitaire, a, dans son intervention, mis l'accent sur la relation entre le texte et le patrimoine musical en Algérie et au Maghreb. Il a ainsi expliqué que la préservation du patrimoine oral et notamment de la poésie peut se faire grâce à la musique. «Parmi les poèmes qui ont été préservés et véhiculés par le chant et la musique, est Hiziya du poète Mohamed Benguitoun (XIXe siècle)», a-t-il dit. Il a ainsi fait ressortir à travers ce poème épique le rôle de la poésie lyrique dans la préservation de la structure mélodique. Qualifiant Hizia d'histoire d'amour pleine d'amertume entre deux amants Saïd et Hizia, l'orateur a souligné que «ce poème qui est un chef-d'œuvre a été chanté dans différentes structures mélodiques y compris le bedoui, par de nombreux artistes dont Rédha Doumaz (châabi), le groupe rock Dzaïr et Mohamed Rédha (moderne). Pour sa part, l'universitaire jordanien Abdelhamid Hamam a relevé le rôle joué par la poésie arabe dans la préservation de la mesure et de la construction rythmique du chant de la période préislamique. Il a, à cet effet, précisé que «la poésie arabe a joué un grand rôle dans ce domaine et nous a permis, a-t-il dit, d'identifier certains chants poétiques transmis à travers les générations». Quant à Mohamed Sakli, universitaire tunisien, il a déclaré que «la relation entre le texte poétique et sa structure mélodique s'est développée et a beaucoup changé». Il a ainsi souligné, dans sa communication, l'évolution du fonds – ou du contenu – poétique au fonds musical, c'est-à-dire de la structure orale à une représentation mélodique du verbe. De son côté, l'ethnomusicologue français Christian Poche a rappelé, dans son intervention, que «la musique arabe est essentiellement orale», et de reprendre : «Elle s'est divisée historiquement en deux courants.» «C'est d'abord le prima du verbe qui assure la fonction du musicale», a-t-il dit, et d'expliquer : «On part du poème (la qaçida) qui donne naissance au chant.» «Un autre courant plus tardif apparu en an-Andalousie a renversé cette approche et a privilégié le mélodique par rapport au poème», a-t-il souligné, et d'indiquer : «Ce courant est représenté par l'invention d'un moule strophique appelé muwashahah qui s'est articulé sur des mélodies préexistantes.» Ce colloque sera une occasion de dégager une relation entre le texte poétique et la structure mélodique dans le Maghreb, de déterminer la relation existant entre le texte poétique et le contexte socioculturel, de déterminer les techniques ayant servi à la préservation de la musique à travers le texte, de proposer des perspectives quant à une préservation et une transmission modernisée de la musique, notamment en Algérie ainsi que de préciser le rôle du système éducatif dans la préservation par la transmission du patrimoine musical. Il est à noter qu'en marge des travaux, des concerts de musique sont prévus chaque soir à la salle El-Mougar à partir de 21h 00.