La «Gandhi du Sahara occidental». C´est ainsi que les médias occidentaux appellent désormais Aminatou Haider qui a entamé, samedi, son 26e jour de la grève de la faim. Une action pacifique digne des grands artisans de la non-vilolence, contre laquelle ont buté toutes les manœuvres diplomatiques et les magouilles du gouvernement socialiste espagnol et du régime marocain. «Je retournerai à El Ayoun morte ou vivante», a déclaré, la semaine dernière, l´indépendantiste sahraouie qui n´a rien cédé, au prix de sa vie, sur son droit de rentrer chez elle. Une détermination qui plonge Rabat et Madrid dans le désarroi. «Maroc coupable - Espagne responsable» Dans son combat, Aminatou Haider n´est pas seule. Loin de là. Jamais scandale du genre dans le monde n´a autant choqué en Espagne que son expulsion vers les Canaries par les autorités marocaines avec l´évidente complicité du gouvernement de Zapatero. Indignée par de telles manœuvres, la société civile espagnole s´est mobilisée pour soutenir celle qui est devenue le symbole de la lutte pour les droits de l´homme et du peuple sahraoui dans l´ancienne colonie espagnole. Des centaines de personnes ont manifesté, vendredi à Madrid, pour elle mais aussi pour la décolonisation du Sahara occidental, occupé militairement par le Maroc depuis 1975, avec la complicité de l´Espagne. Les organisations civiles ont appelé à étendre ces manifestations à toutes les villes du pays avec un slogan de base : «Maroc coupable - Espagne responsable». En tête de ce mouvement civil, des centaines d´intellectuels de premier plan, à leur tête les deux oscars du cinéma, le réalisateur Almodovar et le comédien Barden, aux côtés de trois Prix Nobel, dont celui de la littérature, Jose Saramago. Le gouvernement socialiste, peu motivé pour obliger son meilleur allié au Maghreb d´accepter le retour de Mme Haider à El Ayoun, a jeté l´éponge. La première vice-présidente du gouvernement, Mme Maria Teresa de la Vega, assure du contraire mais ne convainc personne au cours de sa conférence de presse de vendredi. Pour les médias il y a cette certitude : Zapatero a bien jeté l´éponge pour éviter à tout prix un «bras de fer» avec Rabat, aux conséquences politiques désastreuses. Le Maroc n´a pas fait mystère de ses intentions «au cas où». Il a menacé à demi-mot l´Espagne que le dossier de Ceuta et Melilla peut à tout moment être remis sur la table. Qu´il fermerait aussi les yeux sur le trafic de drogue, de l´immigration clandestine et, plus encore, cesserait toute collaboration contre les activités de la branche d´Al Qaïda, le Groupe islamique des combattants marocains (GICM), responsable des attentats du 11 mars 2004 à Madrid, qui s´est fixé pour objectif «la libération de l´Andalousie». Des menaces qui ont donné froid dans le dos au gouvernement espagnol qui affiche, depuis, un certain désarroi. D´autant que, selon El Mundo qui se référait, vendredi à la une de son édition, à des sources proches des services secrets espagnols (CNI), ce sont des membres du GICM qui auraient enlevé les trois Espagnols en Mauritanie. Le gouvernement Zapatero isolé Dans l´«affaire Haider», le gouvernement espagnol, lui, est plus seul que jamais. Zapatero a tenté faire voter, vainement, une motion au Congrès des députés en vue d´une position commune de la classe politique espagnole concernant cette affaire. Peine perdue. Le Parti nationaliste basque (PNV) et ses alliés de la gauche ont fait bloc contre cette motion qui n´a de chance de passer que si elle réaffirme, comme l´exige le PNV et ses alliés, «le soutien de l´Espagne à l´autodétermination du peuple sahraoui». C´est trop demander au Parti socialiste dont toute l´action depuis qu´il est au pouvoir, en avril 2004, de travailler pour la promotion des thèses marocaines sur le Sahara occidental afin d´empêcher la tenue d´un référendum que Moratinos ne considère pas comme «indispensable». Impuissant face à Rabat, acculé de toutes parts, le gouvernement Zapatero cherche des bouc-émissaires à son erreur d´avoir admis l´expulsion d´une étrangère sur le territoire espagnol. La police des frontières a bon dos, mais son syndicat ne se laisse pas faire. Il s´insurge contre cette fuite des responsabilités de l´Exécutif central. Le pouvoir socialiste n´a, finalement, d´autre choix que de se tourner vers l´étranger. Il sollicite d´abord Ban Ki-moon qui fait savoir à Moratinos, le chef de la diplomatie espagnole, que c´est à Rabat et Madrid de trouver la solution à ce problème humanitaire. L´ONU n´ira pas plus loin qu´un message sur la nécessité de respecter les droits de l´homme au Sahara occidental. Il se tourne alors vers l´Union européenne dont la présidence, plus fermement que l´ONU, somme le régime marocain de «s´acquitter de ses obligations en matière des droits de l´homme». Le message est clair, car le Maroc doit négocier la mise en œuvre du statut avancé avec l´UE obtenu avec le coup de pouce de la France et de l´Espagne. Les pressions européennes sur Rabat, Madrid le sait, c´est plus pour se donner bonne conscience, un peu comme l´Europe le fait avec Israël. Pas plus que les Nations unies, l´Union européenne ne semble pas avoir les moyens de ses pressions. Le poids des Etats-Unis Reste donc Obama, le seul qui soit capable de faire entendre raison au régime marocain de ne pas franchir la ligne rouge en matière de droits de l´homme. Mme Clinton a appelé, jeudi, son homologue marocain Fassi Fihri. Rien n´a filtré sur cette conversation téléphonique dont il est facile de deviner le contenu. La Secrétaire d´Etat américaine ne peut pas dans un moment pareil faire l´ímpasse sur la «cas Haider». Dans un système politique aussi hiérarchisé que celui du Maroc, la décision appartient au roi Mohammed VI. Colin Powell, le prédécesseur de Mme Clinton aux fonctions de Secrétaire d´Etat, en sait quelque chose lorsqu´il avait tenté sa médiation, en juillet 2002, pour mettre fin au conflit de Perejil entre l´Espagne et le Maroc. Son interlocuteur marocain, Mohamed Benaïssa, ne lui fera parvenir aucune réponse à son initiative, ce qui conduira M. Powell à transmettre ce message à M.Benaïssa : «Nous sommes vendredi et demain c´est le week-end aux Etats-Unis que je passerai avec mes petits-enfants.» Le Palais Royal sait que le Secrétaire d´Etat américain ne plaisante pas. Le lendemain, des négociations sont engagées entre Rabat et Madrid pour résoudre le conflit de Perejil. Ce scénario reste le plus crédible aujourd´hui pour en finir avec l´intransigeance du Maroc dans l´affaire Aminatou Haider. Bien que programmée depuis quelques semaines déjà, la visite de Moratinos à Washington, lundi, où il doit rencontrer Mme Clinton, ne fera pas l´impasse sur le «cas Haider».