Il y a des couples qui s'engueulent mais qui se supportent. Il y en a d'autres, silencieux, apparemment calmes, mais qui vont jusqu'aux coups et blessures volontaires lorsque l'orage éclate dans le ciel nuageux du foyer. Nassima, une bonne vivante, a giflé Saïd qui dépose plainte et parle de l'utilisation d'une arme blanche (une fourchette), alors que madame jure avoir utilisé ses... ongles. Et le juge qui est là à écouter tout, mais décidé à ne retenir que l'essentiel. Le divorce : sept lettres dont trois voyelles. «Talaq» soit quatre lettres en arabe ! Dure séparation. Un déchirement ! Pour les enfants, c'est cent fois la bombe tombée sur nagasaki en 1945, au mois d'août. Nos juridictions grouillent. Les époux sont toujours les premiers arrivés sur les lieux le jour du procès pour affronter le président du statut personnel. La dame, elle, généralement arrive bien après sur son «trente et un», décidée à se débarrasser du... bourreau, et pas toujours évidemment. Ce lundi, le juge va entendre les couples à huis clos car des «choses» peuvent être dites... Nassima L., 35 ans, avait perdu son bébé : un garçon. Cela va suffire pour Saïd R., un mari jaloux mais coureur de jupons, pour chercher la petite bête et en avant pour les scènes, les cris, les insultes et les coups. Sauf que cette fois, les coups c'est Nassima qui les a assénés à Saïd, violemment giflé, puis une grosse morsure sur le bout du nez, un gros nez que Saïd a toujours montré fièrement même si quelque part il apparaissait moche pour certaines jeunes filles. Donc, pour ne pas aller au pénal, Saïd a entrepris de se séparer de Nassima, une femme rigolote, gaie, trop gaie pour cacher sa misère au foyer. - «Je vais partir mais ta libido ne va pas en souffrir. Va rejoindre tes copines, s...» avait-elle balancé en plein couloir avant d'entrer chez Liamine Louael, le juge de Chéraga (cour de Blida). Saïd se tait mais va tout cracher à l'intérieur de la salle d'audience avant d'être invité au huis clos. «Monsieur le président. Ce matin, elle est venue pour une impossible réconciliation. A 42 ans, je peux refaire ma vie et avoir des enfants. Elle en est au second échec, elle s'était mariée déjà à 19 ans et son mariage n'avait duré que sept mois. Alors qu'avec moi elle est restée sept ans. mais c'est impossible de rester ensemble...» - «C'est bon, c'est bon. Dans vingt minutes, passez au bureau pour la suite. Le tribunal n'est pas ici pour écouter des histoires qui n'ont rien à voir avec l'objet du jour», tranche le président qui aura tout le temps d'écouter ce lundi une dizaine de couples qui ont «pété les plombs» et ont été brisés tels des vases en céramique.