Pour un jour de deuil, les Iraniens n'en ont pas connu de pire depuis l'assassinat de l'imam El Hussein. En plus des traditionnelles chaînes pour s'autoflageller, ils ont eu droit à des balles réelles. Bien que l'ampleur de la répression de l'opposition n'ait pas atteint celle pratiquée par le sanguinaire capitaine guinéen Camara dans le stade de Conakry, toujours est-il que mort d'hommes s'en est également suivie à Téhéran. Le pouvoir d'Ahmadinejad aurait préféré cacher, ne serait-ce qu'un temps, les cadavres dans le placard mais moucharde technologie a été plus forte. La télévision nationale iranienne a fini par relayer le réseau social Twitter et par informer l'opinion publique mondiale que la plus importante fête du calendrier chiite a tourné au bain de sang. Une affaire strictement interne ? S'il en est une, les Occidentaux ne s'empêcheront pas d'en faire leurs propres oignons. Washington, Londres et Paris n'ont pas attendu l'enterrement des militants de la révolution verte (démocratique et non pas écologique comme son nom l'indique) pour tirer à boulets rouges sur les mollahs qui, eux, ne savent plus comment mater leurs sujets sans que la triste nouvelle n'arrive jusqu'à Pittsburg. Il faut dire que les partisans de Mir Moussavi ne sont pas prêts à lever drapeau blanc, de plus résistants rideaux de fer ont fini par ressembler à des voiles. Huit morts et plus lors d'une manifestation n'étant plus une affaire interne, selon la loi du déséquilibre démocratique, comment les ultraconservateurs et leur guide suprême vont-ils procéder pour convaincre la communauté internationale du bien-fondé de leur démarche répressive ? Vont-ils se fondre en excuses comme l'a fait le dictateur Camara avant d'aller se soigner puis se réfugier chez le roi Mohammed VI ? Vont-ils signaler la présence de membres d'Al Qaïda parmi les manifestants pour justifier la barbarie dont ont fait preuve les «casques noirs» ? Cette seconde hypothèse est à écarter. Primo, la fille de Ben Laden a perdu son statut de réfugiée politique en résidence surveillée. A moins qu'elle ait été embarquée dans le premier vol pour Ryad, elle se trouverait toujours à l'ambassade d'Arabie Saoudite à Téhéran. De toute façon, les mollahs ne se sentent plus responsables et ne comptent plus lui offrir gîte et nourriture. Secundo, le Nigérian à la jambe explosive a été inculpé puis transféré dans une prison du Michigan alors que l'un de ses compatriotes est toujours en garde-à-vue pour s'être trop oublié dans les toilettes sur le vol Amsterdam-Détroit. Acte prémédité ou geste incontrôlé, le président Obama est convaincu d'une chose : le territoire américain est toujours sous la menace d'Al Qaïda et cela vaut bien l'envoi de 30 000 soldats supplémentaires en Afghanistan alors que personne n'est certain que Ben Laden se trouve encore là-bas. Tant pis, à la guerre comme à la guerre, même si certains analystes militaires savent, eux, pourquoi il n'est pas encore temps de détruire Al Qaïda. Si aucune de ces raisons ne permet au régime de Téhéran à se décharger de l'accusation de crimes contre l'opposition réformiste, quel autre plan afin que soient réduits les rugissements de plus en plus forts de l'Occident, sachant que les arrestations par centaines et les procès staliniens n'ont pas fait reculer la vague verte ? A priori, aucun. D'autant que l'expulsion de millions d'opposants n'est pas envisageable. Car, ils ne sont pas minoritaires, ils ne sont pas des réfugiés Hmong – 4000 d'entre eux vont être expulsés par la Thaïlande vers le Laos – et ils n'ont pas combattu aux côtés des Américains lors de la guerre du Vietnam. Ils sont Iraniens, ils sont nationalistes et ils tiennent à ce que leur pays se dote du nucléaire (civil ou militaire ?). Comme ils n'ont pas de terre d'échange, ils vont rester chez eux et réclamer l'alternative au pouvoir par et dans le sang… vert.