Mais que sont devenus les métiers artisanaux, qui autrefois, foisonnaient dans tout le village d'Aït R'zine ? Actuellement, il ne reste que deux artisans, qui «tiennent» tête encore aux temps modernes. L'un est forgeron et l'autre est fabricant de brides pour baudets, que l'on utilise dans ces contrées jusqu'à présent. Le forgeron du village, martèle encore sur l'enclume carbonisée et difforme, des métaux chauffés à blanc dans le charbon ardent. «Je tiens ce métier de mon père, dit-il, nous sommes des forgerons de père en fils et cela depuis des générations.» Pourquoi a-t-il choisi ce métier, qui, apparemment, fait difficilement vivre et n'a-t-il pas porté son choix sur d'autres métiers, comme se convertir en soudeur ? «Je fais cela par passion ! dit-il tout de go. C'est plus qu'un héritage, un devoir de continuité.» Son local, aux murs décrépis et lézardés, daterait, selon ses dires, de plusieurs siècles, en témoignent les poutrelles et les solives en tronc de pin d'Alep, noircis apparemment par la fumée et le temps qui passe. Ce local, situé dans l'ancien village, est un véritable capharnaüm. Difficile à quelqu'un d'autre de trouver facilement l'outil désiré, tellement c'est sens dessus dessous. Mais en dépit de tout, il travaille quand même. «On me ramène des couteaux pour les aiguiser, des bêches, des pioches, je fabrique et cloue les fers à cheval, j'ajuste et répare des araires traditionnels, etc.» Quoique, Zakir, n'est visiblement pas chaud à reprendre le flambeau «Je compte faire soudeur, le métier de forgeron n'est plus ce qu'il était. Il n'est pas rentable !» Zakir, en disant cela, venait de briser cette chaîne héritière que des générations de sa famille ont « soudé », chacun son maillon, au charbon incandescent, ce feu qu'il ont su apprivoiser .Ces aïeux se retourneraient dans leurs tombes ! Comme son père qui se «retourne» dans ses soucis et ses inquiétudes, en raison de la cherté du charbon qui va crescendo. Plus de 8000 da le quintal, dit-il. Son métier et son legs ancestraux sont, présentement plus que jamais menacés de disparition. Toutefois, cela est loin de décourager cet artisan atypique. «Je ne renoncerai pas, dit-il avec défi, je continuerai jusqu'à la mort ce métier de mes grands-parents .» Nous laissons notre forgeron dans son atelier conduire, tel un chef d'orchestre, sa symphonie quotidienne, faite de mélanges de sons de marteau « trinquant » avec l'enclume, de crépitements du feu de charbons ardents et de fumées bruyantes produites par le contact des métaux chauffés avec de l'eau, pour nous diriger vers un autre artisan : un fabricant de brides. Dans son atelier de fortune, ce fabricant nous explique que les brides confectionnées aujourd'hui n'ont presque rien de commun avec celles de jadis. Remises au goût du jour, elles sont enveloppées dans des tissus multicolores en donnant un aspect qui épouserait notre époque. Dans cette région, les baudets et autres mulets sont devenus, par moments et par occasions, l'attraction de badauds, qui n'en voient pas tous les jours, alors qu'autrefois, tous les ménages en possédaient au moins un. Autres temps autres…moyens de locomotion. Les bêtes de somme, même si elles sont, en quelque sorte, mise à la « retraite » forcée, il n'en demeure pas moins qu'on leur fait appel, de temps à autre , pour des besognes que les véhicules, notamment les tracteurs, n'arrivent pas à accomplir. Il s'agit, en général, des travaux champêtres qu'effectuent les paysans sur des terres en pente et difficiles d'accès. Les brides se vendent dans les marchés hebdomadaires et y «viennent» bousculer l'époque, comme pour dire que le présent se conjugue au passé et que désormais, il faudrait compter sur la bride et le baudet, tant le tracteur aura le « vertige » des montagnes !