Au beau milieu d'une saison particulièrement faste pour son club qui caracolait à la tête du championnat français de football, le célèbre entraîneur de l'AJ Auxerre Guy Roux répondait en ces termes à un journaliste qui lui demandait d'évaluer ses chances pour le gain du titre : «pour l'instant, nous jouons toujours le maintien en première division. Une fois assurés d'être encore au premier palier l'année prochaine, nous verrons pour autre chose». Tout le monde en avait rigolé un bon coup, mais personne n'y a vu un quelconque cynisme, Guy Roux étant connu pour toujours garder les pieds sur terre et ne jamais s'enflammer pour un résultat qui n'est pas encore acquis. Personne non plus n'avait parlé de manque d'ambition pour cet entraîneur qui sait que son club n'était pas classé parmi les grosses écuries dont les budgets étaient souvent plusieurs fois supérieurs au sien. Quand Rabah Saadane, qui n'est pas tout à fait Guy Roux mais partage quand même avec lui une grande humilité, avait parlé de se qualifier pour la coupe d'Afrique comme objectif de la sélection nationale, l'Algérie du foot regrettait avec un pincement au cœur que nous en soyons réduits à ce niveau d'ambition, mais on partageait cependant son réalisme sans le crier sur tous les toits de peur de déranger une étoile dont on entrevoyait la naissance. L'Algérie avait gagné l'Egypte et tout était devenu possible. Saadane n'avait pas «déchiré ses vêtements» mais un rêve un peu fou scintillait déjà dans ses yeux. L'Algérie était qualifiée pour la coupe du monde et le moins qu'on puisse dire est que Saadane a eu le triomphe modeste. Il n'est pas tout à fait Guy Roux, mais il commence à y ressembler. Alors que des observateurs avertis qui n'ont aucune raison particulière de nous faire des fleurs parlent de l'Algérie comme l'un des vainqueurs potentiels de la coupe d'Afrique, le sélectionneur national refroidit beaucoup de monde en ramenant son objectif à un petit passage au second tour. «De la ruse», trouvent les incollables. «Modestie», rétorquent les gentils. «Réalisme de mauvais augure» concluent les scénaristes du pire. L'ultime stage de préparation se termine et Saadane se métamorphose : «Nous avons des chances d'aller très loin dans cette compétition». Guy Roux et l'AJA étaient toujours en tête du championnat de France à deux journées de son terme quand il a eu ce propos : «On va se classer parmi les cinq premiers!» C'est vrai que les deux hommes sont différents. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir