La question du Sahara occidental semblait à la fin de l'année 2009 s'orienter encore une fois vers un statu quo, une sorte d'immobilisme diplomatique qui arrangeait forcément les affaires du Maroc, fort du soutien actif de la France et de la complicité plus subtile de l'Espagne. Pendant que Paris et Madrid s'employaient à vendre le «plan d'autonomie» marocain à l'étranger, les autorités marocaines, elles, se livraient à une sauvage répression du mouvement indépendantiste au Sahara occidental acquis au Front Polisario. L'«effet Aminatou Haider» En décembre dernier tout a basculé. Madrid a commis l'erreur d'admettre sur son territoire Aminatou Haider qui conduit ce mouvement indépendantiste avec d'autres camarades, en liberté surveillée ou en prison, après avoir été chassée de chez elle par Rabat. Sa grève de la faim, en même temps qu'elle avait ému jusqu'aux adversaires de la cause qu'elle défend, a forcé les puissances occidentales, dont les Etats-Unis, à demander aux Nations unies d'agir, sans délai, pour la recherche d'une solution au conflit sahraoui. Les organisations civiles humanitaires internationales et les parlementaires en Espagne feront plus en réclamant la surveillance internationale des droits de l'homme dans l'ancienne colonie espagnole. Christopher Ross, envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental, saura exploiter cette prise de conscience de la cause défendue a l'échelle mondiale pour annoncer qu'il convoquera au début de l'année 2010 une nouvelle rencontre entre les deux parties impliquées dans le conflit sahraoui, le Maroc et le Front Polisario. Mme Haider est pour beaucoup dans la rupture de ce statu quo voulu par les Marocains. Rapport de M. Ross au Conseil de sécurité Le 28 janvier, il avait adressé son rapport au Conseil de sécurité, réuni à huis-clos, pour demander que soient élargies les compétences de la Minurso à la surveillance des droits de l'homme dans l'ancienne colonie espagnole. Le Maroc et ses amis au Conseil de sécurité, clan conduit par Paris, n'ont jamais accepté que soit modifiée la mission de la Minurso qui a été créée à la suite des Accords de Huston, en 1991, pour surveiller le cessez-le-feu sur place et dont le mandat est renouvelé chaque fois pour des objectifs qui ne cadrent pas avec toute la réalité sur le terrain. Du moins pas avec celle des droits de l'homme du moment que les mouvements de cette institution de l'ONU ne vont pas au-delà des limites du champ du cessez-le-feu. Concrètement, les Casques bleus ne sont pas habilités à observer ce qui se passe comme répression dans les rues des villes sahraouies occupées. Dans son rapport du 28 janvier, M. Ross a estimé que «la question des droits de l'homme doit occuper une place importante» dans la prochaine résolution du CS sur le renouvellement du mandat de la Minurso qui parvient à expiration à la fin du mois d'avril 2010. La question de la surveillance des droits de l'homme dans l'ancienne colonie espagnole devrait figurer, aussi, dans le rapport que le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, présentera, à son tour, fin avril devant ce même Conseil de sécurité. Bien entendu, l'ancien diplomate américain est conscient que son initiative ne va pas plaire à Rabat et à Paris, peut-être aussi à l'Espagne dont les déclarations pro-marocaines sur la question sahraouie sont sous haute surveillance au niveau du Congrès des députés comme parmi les organisations civiles largement favorables au Front Polisario. En décembre dernier, le Congrès des députés avait adopté une motion demandant au gouvernement espagnol d'agir auprès des Nations unies pour que la Minurso prenne en charge la question des droits de l'homme au Sahara occidental, comme l'ont exigé les organisations civiles internationales humanitaires. Une année auparavant, Amnesty International et le Parlement européen ont exigé que soit surveillée la situation des droits de l'homme au Sahara. Réunion informelle à New York Fort de ces appuis, l'envoyé personnel de Ban ki-moon peut donc convoquer une nouvelle rencontre informelle pour les 10 et 11 janvier à New York entre le Maroc et le Front Polisario, identique à celle qui a eu lieu au mois d'août dernier à Vienne. Il est en même temps soucieux de ne pas compromettre son initiative d'amener Rabat à reprendre le dialogue avec les Sahraouis en heurtant de front la puissance occupante du territoire sahraoui. C'est pourquoi Christopher Ross a pris la précaution de préciser que la surveillance des droits de l'homme doit également «s'appliquer aux camps de réfugiés de Tindouf». De cet argument, la diplomatie marocaine a fait son cheval de bataille pour défendre la cause de «nos frères séquestrés à Tindouf». M. Ross lui concède la forme, pas le fond. La reprise des pourparlers entre Rabat et le Front Polisario a commencé à se préciser à travers la déclaration, hier soir, à l'agence Efe, de Ban Ki-moon qui avait réitéré son engagement de relancer le processus de négociations directes entre le Maroc et le Front Polisario. «M. Christopher Ross entretient des contacts suivis avec les parties de la région, ce qui permettra de convoquer un cinquième round de négociations», a-t-il dit. Malaise à Rabat Efe a relevé que pour la première fois Ban ki-moon s'est «démarqué» ouvertement de l'opinion exprimée, en 2008, par son ancien représentant personnel, Peter van Walsun, qui avait qualifié de «non réaliste» l'option de l'indépendance du Sahara occidental. Selon le SG de l'ONU, «le rôle des Nations unies est d'aider à la poursuite des négociations et celui du représentant pour le Sahara n'est pas de dicter son opinion ou une politique à suivre aux parties en conflit. Il n'y a pas d'équivoque à ce propos et c'est ce que les Nations unies et Christopher Ross sont en train de faire». Le Maroc a dû certainement saisir le message : son plan de régionalisation avancée, lancé début janvier par le roi Mohammed VI, ne sera pas une «base de travail» dans les négociations sous l'égide de l'ONU. On voit le désarroi du gouvernement marocain qui a suivi les déclarations de Ban ki-moon : «L'Algérie et le Front Polisario poursuivent leur stratégie de blocage du processus de négociations» accuse le ministre marocain des Affaires étrangères, Fassi Fihri. Du déjà entendu.