Le mois de juin vient de s'achever, mais laisse derrière lui un goût amer chez les réfugiés sahraouis. Consacré mois des réfugiés, par l'Assemblée générale des Nations unies, après l'adoption de la résolution 55/76 de décembre 2000, juin 2010 s'en est allé, en abandonnant ces Sahraouis forcés, plus que d'autres réfugiés, à un exil démesuré. C'est en octobre 1975, suite à l'agression marocaine, qu'une partie de la population sahraouie a été contrainte de fuir son pays, le Sahara occidental. L'offensive des FAR, marquée notamment par des bombes et du phosphore blanc, est intervenue un mois après la signature des accords secrets de Madrid entre l'Espagne, alors puissance colonisatrice, le Maroc et la Mauritanie, qui prévoyait le partage de la colonie espagnole entre les deux pays maghrébins, en contrepartie d'avantages économiques et autres privilèges pour les autorités ibériques. Par conséquent, l'exil des Sahraouis résulte du reniement, par l'Espagne, de ses engagements internationaux vis-à-vis du “peuple colonial et colonisé” du Sahara occidental, ainsi que du conflit qui s'en est suivi, opposant le couple Maroc-Mauritanie au Front Polisario, le représentant légitime du peuple du “territoire non autonome” du Sahara occidental. En 1979, le retrait de la Mauritanie de la partie sud du territoire sahraoui, au lieu d'être suivi par le Maroc, qui occupait la partie nord, a plutôt consolidé son occupation sur une grande partie de l'ex-colonie espagnole. Surtout après la construction (dès l'année 1980) d'un mur de défense, criblé de mines. Aussi, malgré l'acceptation par le Maroc, en 1991, du plan de règlement de l'ONU, lequel envisageait la tenue prochaine d'un référendum d'autodétermination au Sahara occidental, et en dépit de l'accord signé par Rabat sur les Accords de Houston (septembre 1997), pour ne citer que celui-là, le Maroc a fini par tourner le dos à ses engagements et à déserter le chemin du droit international. Conforté par “l'impuissance” de l'ONU et la complicité de pays membres influents au sein du Conseil de sécurité, Rabat semble aujourd'hui moins disposé à accepter un plan d'autodétermination comprenant, entre autres, l'option d'indépendance, alors qu'il n'a aucune souveraineté sur le Sahara occidental. Résultat, le sort des réfugiés sahraouis, vivant dans des camps, à Tindouf, une des régions les plus difficiles du monde, est suspendu depuis plus de 30 ans. Dès lors, ces Sahraouis dépendent pratiquement de l'aide humanitaire internationale et de la solidarité extérieure. “Des taux élevés d'anémie et de malnutrition” Depuis 1986, le Programme alimentaire mondial des Nations unies (PAM) fournit son aide alimentaire à ces réfugiés, en accord avec le Haut-Commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR). Il apporte 4 produits de base : des céréales (farine, riz, pâtes… ), des légumineuses (lentilles, haricots), du sucre et de l'huile. En tant qu'agence de l'ONU engagée dans la lutte contre la faim, le PAM répond constamment aux urgences. Cela veut dire que les produits livrés aux Sahraouis font partie d'un programme “copier-coller”, avec un nombre restreint de rations, alors que les réfugiés sahraouis ont la particularité de subir l'exil depuis plus de 30 ans. Non seulement, l'aide alimentaire onusienne ne tient pas compte des habitudes de la société sahraouie, qui est nomade et donc plus portée sur le lait de chamelle, la viande de chameau et le thé, mais on remarque également que certains produits essentiels à la santé, plus particulièrement le lait, ont carrément disparu du panier alimentaire destiné aux réfugiés, ces dernières années. Outre la réduction de plus de 40% des aides du PAM aux Sahraouis, se traduisant par une diminution de certains produits de première nécessité, tels que les médicaments, l'huile, le sucre, les légumes secs et la farine, le programme alimentaire onusien a souvent dû faire face à des ruptures dans l'approvisionnement de la nourriture. Seulement, c'est à partir de septembre 2006 que les ruptures, devenues plus fréquentes, ont constitué une source de préoccupation. En 2008, une étude menée conjointement par l'ONG Médecins du Monde et le PAM, en coordination avec le HCR, avait montré que les réfugiés sahraouis étaient très mal nourris dans les camps : 61% des enfants et 66% des femmes enceintes souffraient d'anémie, une déficience en fer. L'enquête a également signalé que 55% de l'ensemble des femmes étaient anémiques, avec une possibilité de déficiences micro-nutritionnelles pour l'ensemble de la population. Une autre évaluation (source : UNHCR 2010) concernant les besoins globaux et réalisée dans les camps a fait apparaître, quant à elle, de “graves lacunes” dans la prise en charge des besoins des réfugiés par la communauté internationale. Dans ce cadre, il a été fait mention de “taux élevés d'anémie et de malnutrition”, en particulier chez les enfants et les femmes enceintes ou allaitantes, rendus possibles par “la gamme limitée d'aliments disponibles, la faible quantité de tentes et le manque de possibilités d'autosuffisance”. Sans oublier que les réfugiés endurent une longue période de séparation avec les membres de leur famille, restés dans les territoires occupés du Sahara occidental. Comme on le voit, les réfugiés sahraouis sont totalement tributaires de l'aide humanitaire, alors que le PAM a peu de fonds propres. Il s'agit surtout de contributions d'Etats, livrant le réfugié à la “charité” de ses donateurs. Par ailleurs, le PAM, responsable de la situation alimentaire des réfugiés, n'a cependant pas de stocks de sécurité des produits alimentaires, censés amortir les ruptures. Le PAM, comme le HCR donnent l'impression de ne pas avoir de stratégie, pour attirer de nouveaux donateurs, alors que ces derniers auront un effet bénéfique sur la diversité de la nourriture des réfugiés et la satisfaction de leurs besoins multiples, surtout ceux qui ne sont toujours pas couverts. Sur un autre plan, les agences des Nations unies présentes en Algérie, pas seulement le PAM et le HCR, mais également l'OMS, l'Unicef et la FAO, qui ont aussi une mission vis-à-vis des réfugiés sahraouis, n'assument pas pleinement leur responsabilité vis-à-vis de cette population vulnérable. Lors des campagnes de dénigrement lancées, pendant longtemps, par les autorités de Rabat, et parfois relayées par des ONG, afin de créer le doute sur le nombre des réfugiés et incriminer, voire décrédibiliser les représentants du Polisario et de la RASD, ces agences, activant sur le terrain, n'ont pas élevé la voix, du moins ne se sont pas prononcées fermement, pour mettre à nu les thèses du Maroc et arrêter le jeu du makhzen. Un jeu dangereux pour les réfugiés visant à imposer le prétendu “plan d'autonomie” : Rabat a fait du volet humanitaire son cheval de bataille et tablé à la fois sur l'hémorragie dans les camps de réfugiés (en privant ces soi-disant “séquestrés” de l'aide nécessaire) et le retrait des donateurs. Dans les rangs de ces derniers, certains d'ailleurs n'ont pas honoré leurs engagements, sous prétexte que le Sahara occidental est “une cause oubliée”. D'autres, parmi les plus grands donateurs du PAM, dont la France, ont confondu le cadre humanitaire avec celui réservé à la politique, ouvrant ainsi la voie à “la politique des pressions”. Tout cela nous ramène à dire enfin que les agences onusiennes présentes en Algérie ont le devoir d'innover et de défendre leur dossier, pour que les bailleurs de fonds adhèrent à l'œuvre humanitaire. Soutien des Etats-Unis aux efforts de Christopher Ross Ces toutes dernières années, notamment depuis 2009, les choses semblent en tout cas évoluer dans le bon sens,. Aujourd'hui, les Etats-Unis, l'Office d'aide humanitaire de la Commission européenne (ECHO) et la coopération espagnole figurent parmi les plus grands bailleurs de fonds. Le gouvernement américain est cependant le premier donateur au PAM : plus de 15 millions de dollars ont été réservés aux réfugiés sahraouis entre les années 2008 et 2009, ce qui représente près du quart du budget du PAM pour l'alimentation des réfugiés. Par ailleurs, les USA sont le premier donateur au Programme d'échange de visites des familles sahraouies, avec près d'1,1 million de dollars pour l'année 2009, dans le cadre des mesures de consolidation de la confiance du HCR. En avril dernier, les Etats-Unis ont envoyé un signal fort aux réfugiés sahraouis. Le sous-secrétaire d'Etat adjoint au Bureau de la population, des réfugiés et de la migration, Reuben E. Brigety, a visité les camps de Tindouf, du 27 avril au 1er mai 2010. Dans un document rendu public, l'ambassade américaine à Alger a souligné que les Etats-Unis sont décidés à agir, dans le cadre d'un effort collectif centré sur des programmes dirigés par les pays donateurs au PAM et au HCR, “pour améliorer les conditions de vie des réfugiés sahraouis”. La même source a révélé que les aides US traduisent “le plein soutien” des Etats-Unis aux efforts de Christopher Ross, l'envoyé personnel du secrétaire général de l'ONU pour le Sahara occidental, pour trouver une solution pacifique, durable et mutuellement acceptable pour les deux parties. “À la mi-juin, un accord portant sur une assistance alimentaire de plus de 31 millions de dollars aux réfugiés sahraouis, pour une période de 18 mois, a été conclu entre l'Algérie, premier pays africain donateur du Programme alimentaire mondial et le PAM. Un autre accord a également été signé entre le PAM, le Croissant-Rouge algérien (CRA) et la Croix-Rouge espagnole (CRE), pour veiller au respect du stock de sécurité des produits alimentaires et mettre ainsi fin aux perturbations rencontrées antérieurement. Il est clair que tant que le problème de la dernière colonie d'Afrique n'est pas réglé, les Sahraouis continueront à subir l'exil et son lot d'attentes, d'ajournements et de frustrations. La dernière résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, en prolongeant d'une année, jusqu'au 30 avril 2011, le mandat de la Mission onusienne pour un référendum au Sahara occidental (Minurso), maintient le statu quo et entretient, par voie de conséquence, la situation de dépendance des réfugiés sahraouis vis-à-vis de l'aide alimentaire internationale. Ce qui est injuste en soi, car la résolution 1920 du 30 avril dernier reste étrangement silencieuse sur l'exploitation illégale et scandaleuse des richesses naturelles du Sahara occidental, par l'occupant marocain, ainsi que sur les violations des droits de l'homme à l'encontre de l'autre partie des Sahraouis des territoires occupés. On peut encore longuement disserter sur le thème de l'aide internationale. Celle-ci nous renvoie toujours à la question fondamentale du droit inaliénable du peuple sahraoui à l'autodétermination et à l'indépendance. Plus simplement, vers quel choix portera la voix des réfugiés sahraouis en particulier et d'un peuple épris de liberté en général ?