Les histoires jeunes-policiers dans l'exercice de leurs fonctions sont nombreuses. Dans le vaste périmètre de Hussein Dey (citons pêle-mêle Haï El Badr, El Maqqariya, Haï El Djabel, Brossette, cité Mer et Soleil, cité Maya, Panorama), les jeunes sont plutôt enclins à s'énerver pour un oui ou pour un non. Ce dossier entre les mains de la jeune juge de la correctionnelle est très sévère, surtout que trois jeunes sont impliqués dans une sombre histoire de jets d'objets divers sur des policiers. Pour ce qui est des trois jeunes inculpés, un seul est détenu, flanqué de son avocat, décidé à l'arracher des griffes d'une inculpation qui n'a, selon l'inculpé-détenu, rien à voir avec lui. Et c'est en suivant cette logique que le défenseur dit ne pas réclamer la relaxe, une relaxe qui ne peut aller avec l'absence de délit. Reste la juge du siège qui a pris l'habitude d'aller s'il le faut vers une petite instruction. Maître Mehdi avait le beau rôle de défendre un jeune détenu, inculpé de destruction de bien d'autrui, et le bien d'autrui appartient à la police, donc un bien du Trésor public. Que de dégâts qui se profilent à l'horizon ! Que d'ennuis aussi. Même le remarquable défenseur a des soucis car il connaît la juge du mardi à Hussein Dey. Il sait ce qu'elle vaut lorsqu'elle a sous les yeux et entre les mains un dossier ficelé sur la base des lois en vigueur. D'ailleurs, il n'y avait qu'à voir la tête de ce pauvre Youssef R., qui allait de suite donner le ton aux débats en informant la magistrate qu'il n'était pas seul ce jour-là, et donc les jets des divers objets et pierres pouvaient être l'œuvre de n'importe qui. Il ira même jusqu'à dire : «Il y avait trois jeunes dont un était inconnu des témoins qui avaient assisté aux jets de pierres et d'autres objets.» La procureure regarde en direction de maître Mehdi qui retrouve un peu ses esprits, heureux peut-être que son jeune client ait pu à temps balancer cette phrase qui peut peser lourd dans la décision de la présidente. D'ailleurs, il la reprendra en mieux dans la formation au nom de sa courte mais percutante plaidoirie et ajoutera : «Nous n'avons pas à demander l'honorable tribunal la relaxe, car mon client n'a rien fait. Il n'a rien jeté, ni pierres, ni bouteilles, ni déchets comme signalé plus haut. Il reste à la défense de laisser le soin au tribunal d'apprécier.»Et ce mardi, la juge du siège n'est pas n'importe qui, c'est une magistrate qui a le sens de l'honneur. Elle examine de très près les procès-verbaux avant de poser des questions dont les réponses peuvent au moins éclairer le tribunal, ce qui serait une bonne chose dans le déroulement de ce procès où la liberté d'un jeune est en jeu. Ayant bien suivi le cours du procès et surtout ayant eu l'opportunité de bien plaider, maître Mehdi sera tout heureux de la situation. Avant cela, la représentante du ministère public demande une peine de prison ferme d'un an sans faire de commentaire, peut-être pour faire économiser du temps au tribunal avec les vingt-cinq autres détenus qui attendent au sous-sol du tribunal de Hussein Dey. Ayant pris acte du traditionnel dernier mot, la juge décide une courte mise en examen avant d'infliger une peine de prison ferme pour destruction de bien d'autrui, fait prévu et puni par le code pénal. Le frais condamné a dix jours pour interjeter appel.