Meurtres, suicides, dépressions graves et troubles psychosomatiques pouvant déboucher sur des pathologies lourdes, les conséquences du stress sont nombreuses chez les policiers algériens. La complexité de la tâche qui leur est dévolue dans un contexte marqué par la violence, et leur soumission à des règles disciplinaires très strictes par une hiérarchie parfois peu regardante sur leurs conditions de travail provoquent, de fait, de sérieux troubles psychiques chez la plupart d'entre eux. Les nombreuses études réalisées de par le monde sur le travail des policiers ont démontré que le métier de policier est un gros producteur de traumatismes psychologiques. En plus des «stresseurs» professionnels courants, essentiellement le travail posté, la fatigue, la peur toujours présente d'un attentat terroriste, les conditions sociales souvent difficiles, le policier est surtout peiné par l'absence de considération de sa hiérarchie, cette dernière cherchant toujours à punir mais jamais à récompenser. Une attitude qui n'est pas propre à la police algérienne mais qui caractérise des institutions aussi prestigieuses que Scotland Yard ou le FBI. Dans une étude qui fait désormais référence, le Dr Berverly Anderson, psychologue, présidente de l'American Academy of Police Psychology, parle de «police trauma syndrome» qui, selon elle, touche près de 70% des policiers américains. Elle résume l'essentiel de ses recherches dans cette phrase lourde de sens : «Le travail de police peut vous tuer même si personne ne tire de balles dans votre direction». Un stress continu sur plusieurs années parsemé d'événements catastrophiques mène toujours à des effets délétères, explique la psychologue qui fait part de souffrances au travail de plus en plus difficiles à assumer par les policiers. Après une succession d'incidents graves impliquant des éléments qui ont «pété les plombs», feu Ali Tounsi avait ordonné il y a quelques années de cela la prise en charge de la santé des policiers tant sur le plan mental que physique. Depuis, les policiers de tout grade sont suivis dans les services publics de médecine du travail où ils subissent des visites systématiques et périodiques, à l'effet de détecter toute pathologie invalidante ou risquant de mettre en danger leur santé. Dans le même temps, il avait fait procéder au recrutement de psychologues cliniques et de médecins du travail au niveau de ses propres structures de santé. Depuis 2009, cette politique est renforcée par une formation visant la spécialisation du personnel médical dans la prise en charge des problèmes de santé spécifiques au policier, notamment le burn-out, le stress, la décompensation, voire des pathologies plus graves à l'origine de plusieurs actes suicidaires. Le métier de policier est particulièrement stressant, reconnaît le très sérieux Bureau international du travail (BIT). Dans une étude sur les métiers stressants, l'organisme international indique que les fonctionnaires de police sont constamment exposés à des risques et à la violence, et se sentent démunis quand ils doivent traiter de problèmes tels que l'alcoolisme ou les maladies mentales. Le BIT cite une étude effectuée en 1990 au Royaume-Uni, où les policiers jugent les problèmes d'organisation et de gestion «beaucoup plus stressants» que les opérations de police proprement dites, citant celles qui les conduisent à assister à une mort brutale, à arrêter une personne violente, à s'occuper des victimes et à informer leurs familles... Aux Etats-Unis, où les crimes de sang sont nombreux, un psychologue qui a travaillé dans plusieurs services de police a constaté que de plus en plus de policiers craignaient d'être abattus. En Algérie, les attentats terroristes potentiels, conjugués à une situation de précarité sur le plan social, ont été parmi les facteurs qui ont miné la santé des plus endurcis des policiers.