La célébration dans la région des Ath Abbas (Ighil Ali, Boudjellil, Aït R'zine) du premier jour de printemps du calendrier agraire, qui coïncide avec le 28 février du calendrier grégorien, n'a pas pris une ride. Comme à l'accoutumée, les différents gestes et rites accompagnant cette journée, vénérée presque, laquelle annonce le retour du printemps, sont reproduits tels un refrain chez les habitants de la tribu des Ath Abbas. Ainsi dès la matinée, c'est l'effervescence, surtout chez les enfants, qui se démènent comme des diables afin d'acheter le meilleur des confiseries et remplir ainsi leurs petites corbeilles de toutes les friandises synonymes de bonheur et de bon augure. Ils mettent aussi des habits neufs ou propres pour la circonstance afin d'accueillir la saison printanière dans tout ce qui symbolise la nouveauté et la propreté. Les femmes ne sont pas en reste puisque, dès les premières lueurs du jour, elles préparent aussi cette journée, qui crée une grande ambiance dans la famille et parmi les voisins. Pendant cette journée, appelée communément Amezwaru n tafsut (premier jour de printemps), les mères de familles préparent des plats spécialement conçus pour cette fête. Il s'agit de amaqful ou aderyas. C'est un plat constitué de grains de couscous, lequel est mélangé avec des légumes et le tout est cuit à la vapeur et enduit d'huile d'olive et agrémenté d'œufs durs. L'on prépare également la viande du poulet pour accompagner ce plat succulent, que l'on mange à la maison. Après ce déjeuner exquis, les femmes et les enfants s'apprêtent à se rendre dans les bois en groupes. Les femmes se parent de leurs plus beaux atours, surtout les jeunes filles célibataires qui chercheraient à fonder un foyer. Tout le monde ou presque se rend alors dans un lieu qui fait office de point de rencontre rituel pour ce genre de fête. A Beni Mansour pour l'exemple, les femmes se rencontrent chaque année au lieudit 3 Mars, un champ qui en cette période se «mue» en un tapis verdâtre fleuri où il est agréable de pique-niquer et de se promener avec les proches et les amis dans un décor printanier. Toutefois, cette journée n'est pas célébrée chaque 28 février, qui peut coïncider avec un jour ouvrable. Alors, les ménagères attendent le jour de repos qui suit le 28 février pour célébrer cette journée durant laquelle les femmes chantent et dansent en tapant dans un bendir ou une derbouka et en lançant des youyous stridents. Une ambiance folle au demeurant. Les enfants à leur tour se délectent des friandises et se les échangent. Cette tradition qui nous vient d'un âge éculé, n'a pas perdu de sa superbe, elle est célébrée avec fragrance et beaucoup de joie. Cependant, il y a peut-être un rite qui accompagnait cette journée, lequel a été «omis» ou serait jugé un peu «dépassé». Il s'agit de se rouler dans l'herbe verte, comme la faisait autrefois nos aïeuls. Ce geste rituel fut pratiqué, dit-on, pour porter bonheur et pour s'imprégner de la verdure, symbole du renouveau et de la jeunesse. En tout cas, cette journée qui a traversé les âges et qui est jalousement gardée pour la postérité des Imazighen restera presque vénérée chez les Ath Abbas, lesquels gardent jalousement leurs traditions ancestrales.