Le syndrome de Diar Echems se propage à une vitesse vertigineuse. Après plusieurs quartiers d'Alger, dont les habitants se sont révoltés parfois violemment pour réclamer des logements, hier c'était au tour des habitants de Diar El Bahia, immeuble de 4 étages de 148 logements où habitent 190 familles dans des conditions déplorables, de se rassembler «pacifiquement» devant le siège de l'APC pour demander leur part du programme présidentiel destiné à la résorption de l'habitat précaire. «Nous exigeons d'être relogés après les habitants de Zaâtcha», avertit un représentant des citoyens qui comptent canaliser «cette mobilisation» et se constituer en comité de quartier pour «arracher» leurs droits. Ils étaient hier des centaines de citoyens de Diar El Bahia à se rassembler pacifiquement devant le siège de l'APC qui fait face à leur immeuble, sous très haute surveillance policière. La sagesse, malgré la tension dans l'air «étouffé» de l'ex-Clos Salembier, l'a emporté. Des négociations entre les forces de l'ordre et les citoyens prêts à faire entendre leur voix ont abouti à la désignation d'une délégation de 4 personnes parmi les habitants de l'immeuble Diar El Bahia, qui a été reçue par le chef de cabinet du wali délégué de Sidi M'hamed. «Le chef de cabinet du wali délégué de Sidi M'hamed a promis que notre dossier sera prioritaire», souligne un des représentants des citoyens que nous avons rencontrés sur les lieux lors de notre passage. «Les autorités locales ont été maintes fois alertées sur l'état plus que délabré de notre immeuble, mais toutes nos tentatives sont restées jusque-là, vaines», nous affirme-t-on. Et un autre citoyen d'ajouter : «Cette fois-ci, nous avons fait une protestation pacifique. Nous exigeons d'être relogés après les habitants de Zaâtcha, car notre souffrance n'a rien à envier à la leur». Le même citoyen menace : «Si aucune mesure n'est prise pour nous sortir de ce calvaire qui dure depuis des lustres, ce sera comme partout ailleurs, la prochaine fois, l'émeute. Le P/APC étant absent lors de notre passage pour cause de participation au congrès du FLN, nous dit-on, ainsi que le SG de la commune, nous avons pu joindre en fin d'après-midi le vice-président de l'APC qui explique que l'attribution de logements n'est pas une prérogative de l'APC. «Nous savons très bien dans quel état vivent les habitants de Diar El Bahia mais à l'heure où je vous parle, l'immeuble n'est pas programmé dans la liste des citoyens à reloger», affirme-t-il. «Nous allons faire tout notre possible pour qu'ils soient relogés, nous défendrons leur dossier et nous espérons qu'ils seront relogés d'ici la fin de l'été», promet-il. Après les émeutes des habitants de Diar Echems, le wali d'Alger a annoncé un vaste programme de relogement dans le cadre de la résorption de l'habitat précaire, entamé avec le relogement de 512 familles de ce quartier. D'autres quartiers leur ont emboîté le pas comme ceux de Djnane Sfari à Birkhadem, Zaâtcha ou encore tout récemment ceux de «Grégory» à Kouba, où les habitants exigent leur «part du gâteau». Diar El Bahia, 190 familles dans le calvaire Diar El Bahia, un immeuble de 4 étages, est situé juste en face du siège de l'APC. Construit en 1958, selon ses habitants, l'immeuble qui abrite 190 familles (700 personnes) et «destiné à tenir 20 ans au plus», raconte un citoyen, n'a jamais fait l'objet de travaux de réfection. Nous avons constaté de visu son «état de délabrement avancé», surtout à l'intérieur. Nous avons visité quelques habitations où s'entassent des familles parfois dépassant 10 membres, dans des conditions on ne peut plus déplorables. Des habitations de 27 à 35 mètres carrés, aux murs délabrés, des balcons qui risquent de tomber à tout moment, sans oublier les escaliers fissurés qui risquent aussi de s'effondrer. «La seule fois que les autorités locales ont effectué des travaux, c'était il y a quelques années déjà, sur les balcons. Une jeune fille avait trouvé la mort en tombant du 3e étage». «Constatez par vous-même les conditions dans lesquelles on vit depuis l'indépendance», nous dit encore une femme d'un certain âge lorsque nous avons franchi le seuil de sa «maison», un petit espace, des matelas à même le sol, un balcon jonché de tous types de «matériels» et une cuisine qui abrite… les toilettes. «C'est insupportable, ça ne peut plus durer comme ça», dit-elle, avant qu'un autre habitant n'intervienne pour tirer à boulets rouges sur le P/APC. «Lui, il est bien loti, il a même attribué un logement à sa fille, célibataire de surcroît, alors que chez nous, pas moins de 90 jeunes en âge de se marier attendent encore à cause de la vétusté des lieux», peste-t-il. Dans la requête transmise hier aux autorités locales, les habitants de la cité énumèrent les autres problèmes auxquels ils font face quotidiennement : «Le fort taux d'humidité rend caduc tout travail de réfection», écrivent-ils, déplorant le non-raccordement de l'immeuble au gaz de ville. Aussi, ils citent le calvaire des habitants du rez-de-chaussée qui souffrent de l'absence «des rayons de soleil» en raison de la construction d'un centre de formation dans la cour de l'immeuble, infesté par les rats et les insectes, en plus des odeurs nauséabondes insupportables en été. Un incendie s'est déclaré récemment dans les caves de l'immeuble qui a failli emporter des vies humaines. Et le P/APC a tout fait pour qu'une équipe de télévision qui s'est déplacé sur place ne montre la réalité, lui affirmant que tous nos problèmes seront pris en charge», affirme un citoyen en colère. «Nous nous laisserons pas faire», conclut-il. Les autorités locales sont averties. Diar El Bahia est un autre foyer d'émeute à «éteindre».