Le temps se gâte en Egypte. L'échec des nouvelles tractations sur le partage des eaux du Nil aurait pu être à l'origine de l'actuel inconfort des autorités du Caire. Ce n'est pas la première fois, sûrement pas la dernière, que les efforts des dix pays riverains de ce fleuve tombent à l'eau. Ce qui inquiète le plus le pouvoir de Hosni Moubarak, c'est le durcissement de ton de la part des opposants du régime qui auraient bien pu emprunter mardi dernier des «chemises rouges» aux manifestants thaïlandais. Désormais, les adversaires de Moubarak ne sont plus arrêtés au Koweït - l'Egypte s'en est lavé les mains - mais en plein cœur du Caire. Bravant l'état d'urgence, en vigueur depuis l'assassinat de Anouar el-Sadate (vingt-neuf ans, mine de rien), deux cent militants politiques du mouvement Kifaya (assez) et de la Jeunesse du 6 avril ont réclamé, à gorge déployée, le départ de l'actuel président égyptien. Ce qui impliquerait une démocratisation du pouvoir en place. Sauf qu'au pays des Pharaons, on ne réclame pas du changement et des réformes démocratiques sont se faire taper dessus. La matraque au service de la stabilité et de la sécurité nationale. Se raréfiant au Caire, à cause du réchauffement politique, les trouble-fête ont été contraints d'abandonner la partie face aux brigades antiémeutes. Les premiers ont-ils eu le temps de se faire entendre ? Si ce n'était ce «remue-ménage» à Washington, où le président Obama a réussi à mettre la pression sur l'Iran à tel point que Mahmoud Ahmadinejad semble avoir changé de ton à l'égard des Etats-Unis. Hillary Clinton ne se serait pas gênée de redire haut et fort ce qu'elle pense de la gestion antidémocratique que pratiquent les autorités du Caire. Elle s'était insurgée avec vigueur contre la récente rafle d'une centaine d'opposants que le pouvoir de Hosni Moubarak a été forcé de remettre en liberté, graduellement, pour ne pas perdre la face. Le sommet de l'antiterrorisme nucléaire terminé – la menace en question occuperait l'essentiel du mandat en cours de l'administration démocrate – l'hyperpuissance se retournerait-elle vers son allié modéré au Proche-Orient pour lui «dicter» une meilleure conduite à l'adresse de l'opposition ? Après une première réaction contre ce qui devait être désignée comme de l'ingérence dans ses affaires intérieures et à quelques mois des législatives, le gouvernement du Caire choisira-t-il d'adopter l'aphasie de la momie gréco-romaine qui vient d'être découverte en Egypte ? Diplomatiquement parlant, faire la sourde oreille n'est pas une mauvaise chose. Sauf quand le docteur El Baradeï, prix Nobel de la paix, présente le risque de profiter de ce « mutisme d'Etat» pour se frayer un chemin jusqu'à la plus haute marche du palais présidentiel. Le chemin risque d'être très long, surtout, si le «professeur» joue de manière hâtive la carte du boycott des prochaines élections égyptiennes, histoire de priver Hosni Moubarak et son parti au pouvoir d'une nouvelle légitimité. Car, cette même légitimité se façonne et se décide ailleurs, bien loin des eaux troubles du Nil.