Interrogé sur la nature des armes avec lesquelles se ferait une troisième guerre mondiale qui paraissait inévitable aux pires moments de la guerre froide, dans les années 1960, un conférencier, vraisemblablement un physicien, en tout cas un homme d´esprit reconnu, eut cette réplique : «Je ne sais pas avec quoi se ferait une troisième guerre mondiale. Je peux seulement vous assurer que la quatrième guerre mondiale se ferait à coups de bâtons et de pierres.» En 1963, lorsqu'en pleine «crise des missiles» où deux destroyers nucléaires, l'un russe, l'autre américain, s'étaient croisés dans les Caraïbes, au large de Cuba, la «planète des singes» avait cessé un moment d'être un fantasme d'intellectuel. La «crise des missiles» Nikita Khroutchev et John Kennedy ont eu la sagesse de ne pas croiser leurs missiles à charges nucléaires, sans quoi jamais leurs descendants, Dimtri Medvedev et Barack Obama ne se seraient, eux, croisés, ni la semaine dernière à Prague pour signer le premier accord historique sur la réduction des armes nucléaires ni mardi dernier au Sommet de Washington sur la réduction du risque nucléaire. En 65 ans de carrière atomique, les superpuissances n'ont jamais cessé de faire planer sur la planète le risque d'une guerre nucléaire. Le souvenir d'Hiroshima, ville japonaise écrasée par la première bombe atomique américaine, le 6 août 1945, avec ses 250 000 morts et ses dizaines de milliers de personnes atteintes de leucémies puis à son tour, trois jours après, Nagasaki, autre ville japonaise rasée par une bombe équivalente, hante encore à ce jour les esprits. Les essais nucléaires français en Algérie, en 1963, ne sont pas le fruit d'un hasard de calendrier, mais bien l'avènement d'une ère de prospérité des ogives nucléaires, marquée par une course effrénée vers l'acquisition de matériel militaire non conventionnel, et en quantité suffisante pour raser des milliers de fois la planète. Plus besoin donc d'avions-porteurs de bombes pour les larguer sur les villes lointaines comme Hiroshima et Nagasaki. Les chiffres sont là pour montrer la dimension de la menace nucléaire sur tous les coins de la planète 25 000 ogives en stocks La Russie disposerait à l'heure actuelle de 12 000 missiles à têtes nucléaires, les Etats-Unis de 9400, la France de 300, la Chine de 240, le Royaume-Uni de 185 et des pays comme le Pakistan, l'Inde, la Corée du Nord et Israël un total de 260 armes de ce genre. Comme l'industrie militaire relève par excellence du secret le plus absolu, il est possible que le stock nucléaire soit beaucoup plus important. A titre d'exemple, aucun expert de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) n'a visité les installations nucléaires du Néguev et, vraisemblablement, n'y mettra jamais les pieds. La technologie militaire a su profiter, malheureusement, plus que la médecine, des progrès techniques et scientifiques, en expansion depuis le début des années 1960. Celui qui détient la force est toujours tenté d'en abuser, disait le philosophe grec Xénophon. Les présidents américains qui se sont succédé à la Maison-Blanche, parfois leurs proches collaborateurs du Pentagone, se sont laissés parfois tenter par l'usage de l'arme nucléaire. Encore une fois, en 1952, durant la guerre de Corée, sous le président Truman, ce qui a poussé Kim Il Sung et plus tard son fils Kim Jung Hi à ne plus se poser la question de posséder ou non la bombe A. En 1967, en pleine guerre du Vietnam, Mc Namara, Secrétaire d'Etat américain, menaçait publiquement de répéter au besoin l'expérience de Hiroshima et Nagazaki pour «mettre à genoux le Viêt-cong et les communistes du Nord». Un président américain dépressif et c'est la fin du monde Le sort de l'humanité pouvait se jouer suite à une simple dépression du président d'une superpuissance. " Pour aussi grands que soient les Rois ils sont ce que nous sommes et peuvent se tromper comme tous les autres hommes», comme dirait Montaigne. Sauf que l'erreur d'un président Nixon frappé soudainement de démence n´aura pas les conséquences d'un fait divers. Ni d'une guerre classique. Schelinguer, le chef du Pentagone de l'époque, avait été avisé d'instruire l'état-major américain de ne pas exécuter l'ordre nucléaire de Nixon sans lui en référer personnellement. Qui pouvait, en effet, prévenir la réaction du président Richard Nixon aux derniers jours de l'affaire Watergate «qui l'avait contraint à la démission, en 1973». Depuis les psychiatres de renom ont recommandé, pour le salut de l'humanité d'exiger des «grands» un bulletin de santé mentale. Un président américain dépressif et c'est la fin du monde. Le besoin d'une guerre nucléaire a hanté George Bush, depuis l'invasion de l'Irak en 2003. L'ancien président des Etats-Unis a fait une fixation maladive sur les pays de l'«axe du mal». Sur l'Iran. Pour le salut de la planète, la Constitution américanise ne prévoit pas plus de deux mandats pour le président des Etats-Unis. La bombe à portée de tous Peut-on, pour autant, conclure que le spectre de la guerre nucléaire a cessé avec Obama et Medvedev ? Existe-t-il, actuellement, les données d'une guerre atomique ? Une certitude : après l'accord de Prague et le Sommet de Washington, le monde s'est éloigné un peu de la «culture de la guerre» de l'ère Bush, même si la menace nucléaire ne sera jamais écartée. L'accès à la technologie nucléaire est maintenant vulgarisé. Ce n'est plus le domaine réservé des grandes puissances, mais est à la portée de tout Etat qui dispose d'un réacteur assez puissant (plus de 14 MGM) pour enrichir quelques kilos d'uranium et d'une bonne équipe de techniciens. Plus grave encore : la paranoïa qui a frappé George Bush depuis l 11 septembre 2001 a incité les groupes terroristes les plus radicaux à s´intéresser à l'arme de destruction massive. D'abord chimique, puis bactériologique et enfin nucléaire. Des membres de réseaux d'Al Qaïda ont été interpellés en plusieurs endroits aux alentours des centrales nucléaires comme Asko, près de Guadalajara (Espagne). Parfois aussi le ridicule a droit au chapitre dans le terrorisme nucléaire : un ingénieur franco-algérien travaillant pour un centre de physique nucléaire est mis en examen par la police de Sarkozy parce qu'il fréquente la Mosquée. L'ère de la détente avec Obama Depuis quelques années, le concept de «terrorisme nucléaire» fait son chemin. Avec plus de sens au Sommet de Washington sur la sécurisation du matériel nucléaire sensible pour éviter qu'il ne tombe entre les mains des groupes terroristes. Mercredi dernier, les 47 pays ayant participé à ce sommet ont pris l'engagement de sécuriser les stocks de bombes atomiques et tout le matériel sensible qui va avec. C'est une première en matière de réduction du risque nucléaire qui fait reculer le spectre d'une guerre atomique dont pas même les état-major des deux superpuissances, les Etats-Unis et la Russie, n'ont pas encore idée de ses conséquences désastreuses. Des actes concrets sont enregistrés depuis l'arrivée d'Obama à la Maison-Blanche dont l'un des gestes fort dans le sens de la détente avec Moscou a été d'abandonner le projet de rideau de missiles défensifs que Bush voulait installer en Tchéquie et en Pologne. Medvedev a su renvoyer l'ascenseur. En ordonnant la fermeture, jeudi dernier, du principal réacteur de plutonium de Zheleznogorsk, un réacteur, dit ADE-2, qui fonctionne depuis 46 ans avec tous les risques de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Le nuage radioactif qui avait franchi, dans les années 1980, l'enceinte des installations nucléaires de cette ville, s'est certes dissipé. Pas la menace nucléaire. Du moins tant que la communauté internationale continuera de faire la politique des deux poids, deux mesures. Mettre en avant le dossier nucléaire iranien et garder le silence sur la bombe atomique israélienne : le terrorisme d'Etat, la réelle menace à la paix et à la sécurité dans le monde.