Dix ans de prison ont été requis contre les principaux accusés. Saisissant le climat d'incertitude instauré par le terrorisme, un réseau de trafiquants d'armes et de munitions avait élu domicile au marché de M'chedallah et avait semé le doute jusqu'au jour où le pot aux roses a été découvert. 17 personnes étaient présentes dans le box des accusés du tribunal criminel de Bouira qui a eu à statuer jusqu'à une heure très avancée de la nuit 4h, mardi sur le sort de 17 personnes accusées de trafic, de vente, de détention illégale et de fabrication d'armes de guerre. Les faits remontent à l'année 1999 et avaient pour lieu le marché hebdomadaire de M'chedallah où, selon les rapports des services chargés de l'enquête, des personnes s'adonnaient à des transactions douteuses. Des accusés, natifs de Bordj Bou-Arréridj, étaient présents dans le box des incriminés. L'affaire, qui avait engendré un climat de peur et de doute, allait être confiée à des agents de la sécurité militaire venus de Blida, parce que la plupart des détenus, en prison depuis 25 mois, activaient dans les rangs de la garde communale ou étaient armés dans le cadre de la légitime défense (GLD). A l'écoute des interrogatoires menés par le président de session, il ressort qu'à l'origine, un garde communal, Amar Derbal, proposait la vente d'armes de défense personnelle (PA) et des munitions. Le chef de groupe de la section de Raffour, Alliouat Lahlou, saisira les autorités et les mettra au courant des activités de son collègue. Les enquêteurs, alors, remonteront la filière qui les conduira à El-M'hir dans la wilaya de Bordj Bou-Arréridj et à M'sila. Dans la foulée, seront arrêtés des sexagénaires détenteurs de fusils datant de la guerre d'Indépendance, le cas de Mohamed Moula (72 ans), originaire d'Aghbalou, seul accusé à avoir nié être torturé lors de l'interrogatoire à Blida. Même un malade souffrant de troubles mentaux fera partie du groupe, lui, qui avait échangé ses moutons contre un PA défectueux. L'ensemble des autres impliqués dira avoir reconnu les faits à la suite des menaces de mort qui pesaient sur eux. Ce point sera saisi par la défense qui axera sa plaidoirie sur la disproportion entre les faits et les accusations. Pour Me Merzouk El-Hachemi, son client est poursuivi pour vente et détention d'armes. «Le législateur fait la différence entre vente et commercialisation. Le commerce est une activité répétitive, fait qui n'est pas à l'actif de son client qui a cédé une arme inutilisable et pour avoir détenu sans autorisation un fusil hérité de son père, depuis la guerre de Libération.» Pour Me Mokrane Aït Larbi, la procédure et l'absence à l'audience des éléments matériels de l'accusation, en l'occurrence les armes, «montrent qu'au moment où les satellites sont amarrés à des milliers de kilomètres dans l'espace, la justice algérienne, elle, éprouve des difficultés à présenter, lors de l'audience, des balles». De toutes les plaidoiries qui suivirent, Derbal, implicitement, sera désigné comme l'instigateur et sera qualifié de revanchard désireux d'impliquer l'ensemble. Ce dernier sera appelé à la barre plusieurs fois pour confronter les prévenus, et à chaque intervention, il accusera sans retenue ses vis-à-vis. Mes Limam et Hafsi inviteront le tribunal «à ne pas donner une quelconque crédibilité aux dires de cet accusé cité dans toutes les affaires». Le procureur général, dans son réquisitoire, reconnaîtra que les chefs d'accusation retenus par la Chambre d'accusation sont amplifiés, puisque les armes, objet matériel du crime, sont classées dans la catégorie 4, c'est-à-dire armes de défense et non de guerre. Cette concession profitera, dans le verdict, aux accusés. Le magistrat instructeur, lui, avait, dans ses procès-verbaux, qualifié ses armes d'armes de guerre. L'autre point inadapté à l'accusation reste le fait que, dans ce cas, on ne puisse parler de vente ou de fabrication, cas du prévenu Abdelhamid Ould Abderrahmane, qui avait transformé une carabine en fusil calibre 16, eu égard au nombre d'armes en bon état échangées. Ces constats n'empêcheront pas la partie civile d'exiger 10 ans de réclusion pour 9 des prévenus avec des amendes de 200.000 DA et 5 ans pour le reste des accusés. Ce n'est qu'après minuit que les magistrats et les deux membres du jury reviendront dans la salle pour annoncer: trois années de réclusion à l'encontre des principaux éléments qu'étaient Amar Derbal, Belkacem Boucherit et Mohamed Belkacem Harrache, peine assortie d'amendes variant entre 10.000 et 20.000 DA. Kaci Kerrouche, Addar et Messaoudi sont condamnés à une année. Cinq accusés, Alliouat Lahlou, chef de groupe du détachement de la garde communale de Raffour, Lakhdar Benziane, Aïssa Benziane, Yeken Oulaïd et Benziane seront acquittés, alors que Mohamed Moula, Bahi, Nasser et Ould Abderrahmane écopent de 24 mois de prison. Sachant qu'ils en ont déjà purgé 25, ils seront libérés.