Une année après avoir purgé la totalité de leur peine, une dizaine d'Algériens détenus à la prison militaire de Soussa, dans le Kurdistan irakien, n'ont pas encore été libérés. Pire, si l'Etat algérien n'intervient pas, ils risquent de passer encore de longs mois dans ce lieu de sinistre réputation, où se trouvent également près de 1000 prisonniers arabes de différentes nationalités. Selon la famille d'un détenu, un certain «Ouabed M.», interné depuis 2005 en Irak, le gouvernement provincial kurde ne peut décréter l'expatriation des prisonniers étrangers, même après la durée légale de leur peine, si les autorités de leurs pays n'en expriment pas expressément la demande. Les services de sécurité de la province auraient expliqué de leur côté à la même famille que l'absence de diplomates algériens en Irak rend complexe le dénouement de cette affaire. L'Algérie, doit-on préciser, n'a plus de diplomates résidant en Irak depuis l'assassinat, le 27 juillet 2005, de Ali Belaroussi et Azzedine Belkadi par Al Qaïda car, depuis, l'ambassadeur d'Algérie en Irak exerce ses missions à partir de la Jordanie. La famille de «Ouabed» dit avoir sollicité l'intervention des autorités algériennes en faveur de son fils auprès du gouvernement irakien, ce que nous n'avons pu confirmer auprès du ministère des Affaires étrangères, précisément la sous-direction de la protection des nationaux à l'étranger. La cellule s'occupant des Algériens détenus à l'étranger était par ailleurs injoignable hier. Ksentini : «Il est du devoir de l'Etat de leur venir en aide» Contacté par téléphone, le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH) avoue ne pas être au courant de cette affaire. Me Ksentini a cependant estimé qu'il est du devoir de l'Etat de venir en aide à ses ressortissants en difficulté à l'étranger, «sauf si ces derniers refusent de rentrer au pays», ce qui ne semble pas être le cas apparemment. Me Ksentini indique par ailleurs qu'il revient au ministère des Affaires étrangères de procéder à leur rapatriement, «et c'est de son ressort». La famille du détenu Ouabed M. a expliqué que son fils se trouve dans la prison de Soussa depuis 2005. Elle fait savoir qu'il a été arrêté par les services de sécurité irakiens au niveau de la frontière syro-irakienne alors qu'il tentait de pénétrer en territoire irakien pour y exercer des activités «commerciales». L'homme a été intercepté avec 11 autres Algériens que les Irakiens ont remis aux mains des forces armées américaines. «Ouabed M.» a indiqué à sa famille que les Américains l'ont gardé pendant deux ans pour «interrogatoires approfondis» pour déterminer s'il avait un quelconque lien avec le terrorisme islamiste. Il est ensuite remis à la justice irakienne qui le condamna, en 2007, à trois ans de prison pour «entrée illégale» en territoire irakien. Près d'un an après qu'il a achevé sa peine, «Ouabed M.» est toujours détenu avec 5 autres algériens dans la sinistre prison de Soussa. Soussa, pour rappel, est ce sinistre pénitencier ultramoderne construit durant le règne de Saddam Hussein. La prison servait de lieu de torture et d'exécution des opposants kurdes. Aujourd'hui, avait déclaré récemment son directeur, le colonel Moumin Khoudar, Soussa abrite près de 1087 pensionnaires dont 48 Saoudiens, 31 Syriens, 30 Egyptiens, 13 Soudanais, 11 Yéménites, 5 Libyens, 3 Marocains, 2 Koweitiens et un Français d'origine tunisienne. Parmi les Algériens encore détenus avec Ouabed M., on citera Ahmed Sidhoum, Karim Choutri, Bachir Benali, Sid Ali Aïdel et Salim Souroudj, tous originaires d'Alger.