La démission des entreprises publiques membres du Forum des chefs d'entreprise (FCE) est certainement l'avant-dernier acte qui prélude à une guerre des tranchées entre le patronat et le gouvernement. La «démission», avant-hier, de la totalité des chefs d'entreprises publiques du FCE, traduit on ne peut mieux la dégradation des rapports au sein de ce regroupement professionnel et entre le gouvernement et le patronat, notamment depuis les dernières déclarations de Réda Hamiani, dont on connaît l'aversion pour le contenu de la LFC 2009. Le patron du FCE qui n'a eu de cesse de critiquer les dispositions contraignantes de cette loi sur les petites et moyennes entreprises, en particulier les entreprises de production dont la plupart risquent, selon lui, de mettre la clé sous le paillasson, s'est emporté dernièrement contre l'application brutale du dernier décret relatif à la franchise douanière, considérant que ce texte constitue, avec le crédit documentaire, un véritable frein au développement de la PME algérienne. Les préoccupations du président du FCE sont communes plusieurs chefs d'entreprises qui ne comprennent pas les raisons de «l'entêtement» du gouvernement à vouloir poursuivre, contre vents et marées, une politique qui n'a pas donné les résultats escomptés, à savoir une limitation des importations et un encouragement de la production locale. Bien au contraire, jugent les chefs d'entreprises privées, c'est l'effet contraire qui s'est produit, le volume des importations n'a pas baissé et l'entreprise algérienne, surtout celle relevant du secteur privé, baigne toujours dans la morosité. Raison qui explique la prudence des chefs d'entreprise privées quant à accorder des augmentations de salaires pourtant convenues dans le cadre de la tripartite (Gouvernement- UGTA-Patronat) en raison, justement, du contexte difficile dans lequel évoluent leurs entreprises. Pour autant, quelle signification peut avoir la «démission» des chefs d'entreprises publiques du FCE ? Le Forum, comme son nom l'indique, n'est autre qu'un cadre informel de rencontres et de concertation entre les opérateurs des deux secteurs mais qui ne pèse en réalité d'aucun poids sur la décision des pouvoirs publics. Les critiques acerbes de ses membres les plus en vue, qui ont mené une virulente campagne contre la LFC 2009, n'ont été d'aucun effet sur la démarche du gouvernement. Bien avant Hamiani, plusieurs chefs d'organisations patronales se sont essayés en effet à ce jeu, mais sans pour autant contraindre le gouvernement à répondre à leurs légitimes interrogations, ni à changer d'un iota le contenu de la loi. Ce qui est sûr, et quand bien même les animateurs du FCE le réfutent, c'est que le retrait concerté des opérateurs publics du FCE aura pour funeste conséquence la transformation de ce cadre de dialogue en une espèce de «syndicat des patrons». Une mue qui ne sied guère au rôle qu'il s'est assigné depuis sa création, celui de créer une symbiose entre le monde de l'entreprise et les concepteurs-animateurs du développement. Avec la démission d'une partie de ses membres, la démarche «consensuelle» dans laquelle a toujours voulu s'inscrire le FCE a fait long feu, la guerre qu'il a voulu éviter avec les décideurs politiques, le gouvernement en l'occurrence, est désormais déclarée.