Alors que le retrait du patronat public du Forum des chefs d'entreprises (FCE) alimente sans relâche la controverse sur les raisons ayant motivé l'Etat à rappeler ses escadrons, l'unité des rangs au sein même de l'association de Réda Hamiani risque sérieusement l'implosion sous l'action d'une pression plus forte à l'extérieur qu'à l'intérieur. Les déclarations du président d'honneur du FCE, Omar Ramdane, à El Watan, suscitent moult questionnements sur l'avenir de cette association patronale, forte de 270 membres et privée tout récemment d'une trentaine d'adhérents de la sphère économique publique. Joint par téléphone, l'homme de référence au FCE, M. Ramdane en l'occurrence, est allé jusqu'à dire : « Je me pose la question de savoir si ce Forum doit exister encore ou non. » Avant même que les débats sur la révision des statuts du Forum soient ouverts, en juin, à l'occasion de l'assemblée générale du FCE, des membres, et non des moindres, de cette association se déclarent sérieusement inquiets quant à l'avenir du Forum des chefs d'entreprises. « Après un long parcours et un travail que nous jugeons positif, on se pose en fin de compte la question de savoir si nous sommes inutiles, des trouble-fête, voire même des rabâcheurs », nous déclare M. Ramdane. Le « pape » du FCE sait ce qu'il dit. La crise semble si profonde et le « péché » n'est aucunement mignon. Lors d'une récente conférence-débat consacrée à « L'avenir de l'entreprise algérienne », M. Ramdane a résumé le climat des affaires en trois mots : « Inquiétude, illisibilité et blocages. » Selon lui, la situation économique et des affaires est « pire que celle vécue par les chefs d'entreprise durant les années 1990. Je me pose sérieusement la question : dois-je continuer ou non ? » Lors de cette rencontre organisée par le FCE, le divorce avec la politique économique du gouvernement était annoncé presque consommé déjà. Au lendemain de cette entrevue d'opérateurs et d'experts, les patrons des entreprises publiques du FCE, privés de toute autonomie de gestion, ont décidé illico presto de quitter la maison, se pliant aux exigences de vieilles coutumes. Cet épisode de la vie économique algérienne renseigne d'abord sur la fin de l'autonomie des entreprises relevant du domaine public de l'Etat, et donc d'un retour à « l'étatisme absolu » et, en second lieu, sur la détermination des autorités à taire toute doléance contraire à leur tactique. Pris en tenaille entre son rôle d'extérioriser les desiderata des patrons et l'obligation de se soumettre aux manières diplomatiques lorsqu'il s'agit de critiquer l'ordre établi, le FCE semble avoir commis un impair qui lui a valu gros. Au stade où vont les choses, un autre membre de l'association de Réda Hamiani estime qu'il est même « trop tard pour faire du FCE un syndicat de patronat », alors que son président entend soumettre cette option à l'approbation de l'assemblée générale. « Ce n'est pas surprenant de voir aujourd'hui le FCE payer les conséquences de ses positions. Quant à l'idée de faire de cette organisation un syndicat, je crois qu'il est déjà trop tard », nous dira un membre du FCE, visiblement convaincu de ses thèses. Et d'ajouter : « Au stade actuel de la polémique, le FCE n'a d'autre choix que de continuer d'exister en tant qu'association de réflexion. » Notre interlocuteur nous a confirmé que des membres du FCE ont été approchés ces derniers jours afin de se coaliser loin des instances du Forum. D'où vient cette initiative ? Notre interlocuteur dit en ignorer les détails, mais il n'écarte pas une tentative de vider le FCE de sa substance organique, dont les premiers signaux sont apparus avec la démission des entreprises publiques.