Ne boudons pas notre plaisir : Hors la loi du réalisateur Rachid Bouchareb se retrouve dans la prestigieuse sélection officielle pour la Palme d'or. C'est Thierry Fremaux, délégué général du Festival international du film de Cannes qui l'a annoncé. Le dernier opus de Rachid Bouchareb passera sous pavillon algérien, l'avant-première mondiale est prévue à Sétif le 8 mai 2010 avant la projection à la 63e édition du Festival de Cannes le 21 mai 2010. 16 films retenus sur 1665 longs métrages visionnés depuis octobre dernier par le comité de sélection. Cette nomination est déjà en soi une distinction qui mérite d'être saluée. Le Festival de Cannes a toujours porté bonheur à Rachid Bouchareb : En 1991 Cheb est plusieurs fois récompensé, notamment à Cannes, du prix «Perspectives du cinéma français». En 2006, Indigènes, qui retrace l'histoire des travailleurs africains et maghrébins en 1943, reçoit le prix collectif d'interprétation masculine. En 2008, il a l'insigne honneur de membre du jury du prestigieux festival, sous la houlette de Sean Penn. En 2010, il fait partie de la sélection officielle pour la Palme d'or ! Hors la loi est le deuxième volet du triptyque historique commencé avec Indigènes. Doté d'un budget de vingt millions d'euros, cette coproduction franco-algéro-belge, avec la participation de Tarek Benammar (Tunisie) est une des plus grosses productions maghrébines et africaines, en attendant de connaître le budget imparti au réalisateur Rachid Benhadj actuellement en préparation. Pour rappel, on doit à Benhadj l'adaptation d'un des plus beaux romans marocains Le pain nu. Co-écrit par Olivier Lorelle, Hors la loi retrace le parcours de trois frères dont la famille a été chassée de ses terres et qui ont survécu aux massacres qui ont suivi les manifestations du 8 mai 1945 à Sétif, Guelma, Kherata. Plus tard, exilés en France, ils s'engagent dans la lutte pour la reconquête de leur liberté et leur dignité d'homme. La vérité sur le 8 Mai 1945 Effectivement, Hors la loi est une suite de Indigènes qui s'imposait d'autant plus que le film précité se termine à Sétif où Abdelkader débarqua. Rachid Bouchareb tente, 65 ans après la terrible répression des manifestations du 8 mai 1945, de rétablir la vérité historique et faire la lumière sur ce pan de l'histoire commune aux deux pays. On peut, d'ores et déjà se réjouir du pari gagné, en «offrant» à plus de 4000 journalistes et à des centaines de professionnels du cinéma une visibilité de l'acte fondateur du soulèvement de Novembre 1954, que furent les manifestations du 8 mai 45 ! Il était prévisible que l'extrême droite et les nostalgiques de l'Algérie française, très présents à Cannes, réagissent par l'intimidation et la menace afin d'interdire la projection de ce film considéré comme révisionniste et provocateur ! On retrouve dans Hors la loi les protagonistes du premier volet de la trilogie : les deux comédiens franco-marocains (Djamel Debbouze et Rochdy Zem) et le Franco-Tunisien Sami Bouadjila. Le Franco-Algérien, Samy Naceri, bien que prévu, manquera à l'appel. On retrouve également dans le casting le grand Larbi Zekkal, Ahmed Benaïssa, Chafia Boudraâ et Mourad Khan pour ne citer que les têtes d'affiche. L'Afrique sera présente à la 63e édition du Festival de Cannes (mai 2010) avec un film tchadien : Un homme qui crie de Mahamat Saleh Haroun. En 2006, il avait été en compétition avec son film Daratt à la Mostra de Venise, autre prestigieuse rencontre cinématographique. Le Sud-Africain Olivier Schmitz sera également sur la croisette pour présenter son film : La vie avant tout dans la section officielle «Un certain regard». Dans cette même catégorie vont se croiser le doyen du cinéma, le Portugais Manuel Oliveira (102 ans) et le jeune prodige québécois, Xavier Dolan, qui avait fait l'évènement à Cannes l'année dernière avec : J'ai tué ma mère, écrit à 17 ans ! et qui décrocha trois prix ! Le retour de Jean Luc Godard Autre surprise et non des moindres, le retour de Jean Luc Godard à Cannes dans la section «Un certain regard» toujours avec Socialisme dans lequel joue Patti Smith. Le cinéaste suisse (80 ans) a exigé que son film soit projeté à la salle Debussy. Cette salle en effet a fait partie de la première phase des travaux de rénovation du palais. Le reste sera achevé en 2012. A cette date les 80 000 mètres carrés de l'actuel palais du festival, inauguré en 1982, auront subi un véritable lifting, pour un coût évalué à 130 millions d'euros ! L'autre information qui mérite d'être mentionnée, outre la présence de Tim Burton (qui triomphe actuellement avec Alice au pays des merveilles) à la tête du jury, c'est la participation des autres grands cinéastes américains en hors compétitions, Woody Allen et Oliver Stone ! L'Algérie sera disséquée, analysée, mise en débat et en perspective à la prochaine édition du Festival de Cannes. Non seulement à cause de Hors la loi - le tir de barrage des extrémistes a déjà commencé - mais également à propos du film du réalisateur Xavier Beauvois : Des hommes et des dieux qui relate pour la première fois l'enlèvement par les terroristes de l'ex-GIA des moines trappistes dans leur monastère près de Médéa, en mars 1996 et leur fin tragique. La remise en cause en 2009 de la mort officielle des sept religieux, par un général en retraite, avait soulevé un tollé diplomatique entre la France et l'Algérie ! Est-ce pour faire pendant à Hors la loi que Des hommes et des dieux a été sélectionné sous pavillon français à la compétition pour la Palme d'or ? On doit à Xavier Beauvois un précédent film sur la guerre d'Algérie. Le petit lieutenant. Il serait dommage que l'image de la tragédie du 8 mai 45 ainsi que celle de l'enlèvement et la fin tragique des moines de Thibhirine ne soient anéanties par le court circuit médiatico-people qui enfle à mesure que l'ouverture du Festival de Cannes approche.