Les films traitant de la guerre d'Algérie ne sont pas légion. Après «Indigènes» de Rachid Bouchareb, sorti en 2006, qui avait fait couler beaucoup d'encre au Festival de Cannes, voila que des voix s' élèvent contre «Hors-la-loi» du même réalisateur, sorti le 22 septembre 2009, sélectionné à son tour en compétition officielle pour le 63e Festival de Cannes. Sans avoir vu le film, le député UMP Lionnel Luca (Alpes-Maritimes) dénonce une «falsification» historique, le taxe de «négationniste» et s'étonne que sa production ait pu bénéficier d'aides publiques. Il n'a pas hésité à alerter le secrétaire d'Etat à la Défense et aux Anciens Combattants, Hubert Falco, qui a alors demandé son expertise au service historique de la défense. Du côté du cinéaste Rachid Bouchareb, on répond : «Ces gens n'ont pas vu le film. Seuls quelques historiens ont été conviés à une projection.» Cependant, Lionnel Luca n'est pas n'importe quel député. Il a une histoire personnelle liée à l'Algérie. Il s'investit dans une guerre de mémoire depuis une dizaine d'années. Car il doit créer en juin avec Hubert Falco une fondation pour la guerre d'Algérie décriée par les historiens ! Le Journal du Dimanche écrit : «Pourquoi Frédéric Mitterrand, notre ministre de la Culture, lui-même réalisateur, homme de création et de liberté, n'a pas dit un mot ?» Et d'ajouter : «Lionnel Luca aurait aussi pu se demander pourquoi on ne voit pas les canonnières françaises bombarder les populations civiles et jeter les victimes dans des puits, recouvertes de chaux, avant l'arrivée d'une mission d'enquête envoyée par de Gaulle». Par ailleurs, cette édition, prévue du 12 au 23 mai, sera marquée par la participation de quinze longs-métrages de diverses nationalités qui brigueront la prestigieuse Palme d'Or décernée au meilleur film ainsi que les autres prix comme ceux de l'interprétation masculine et féminine entre autres. Le cinéma ne doit pas servir d'otage ou de prétexte à polémique Hors-la-loi est une coproduction algéro-française qui s'inscrit dans le prolongement du film Indigènes consacré à la participation de soldats des anciennes colonies françaises au deuxième conflit mondial. A cette polémique, Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, réagit : «La liberté d'expression est là pour que ceux qui s'opposent à Hors-la-loi, qui représente l'Algérie, puissent s'exprimer. Pour l'instant, la controverse s'appuie sur différentes versions du scénario, et pas sur le long-métrage. A Cannes, et lors de sa sortie, chacun jugera le produit fini. Le cinéma ne doit pas servir d'otage ou de prétexte à polémique sur les épisodes de l'Histoire qui font encore débat. Le Festival de Cannes reste dans sa mission qui consiste à sélectionner des œuvres du monde entier (l'art n'est pas fait seulement de comédies ou d'histoires d'amour !), mais ne souhaite pas non plus exacerber la discussion, qui doit se dérouler le plus sereinement possible, plusieurs décennies après les faits, même si l'on sait que des blessures parfois vives demeurent de chaque côté. Dans les films américains en sélection officielle, deux portent sur la crise financière, un sur la prolifération nucléaire et un sur la guerre en Irak : les Etats-Unis, comme l'Italie d'ailleurs, restent très réactifs sur leur actualité ou leur passé récent, alors que la France continue d'avoir du mal à faire face à certains événements de sa propre histoire.» Mais la polémique sur tout ce qui a trait à la guerre d'Algérie date de longtemps. Le film La bataille d'Alger (référence de l'indépendance algérienne), Lion d'Or du Festival de Venise en 1966, primé à Cannes et nommé aux Oscars, fut longtemps interdit en France. Donc, Bouchareb n'a fait qu'«ouvrir la boîte de Pandore».