Depuis un an, la valorisation de d'Orascom Télécom Algérie a été affectée par plusieurs facteurs, notamment le redressement fiscal qui lui a été infligé en 2008. C'est ce que pense Liès Kerrar, président de Humilis Corporate Finance, société de conseil financier algérienne. Dans cet entretien, l'expert financier a indiqué que «si une partie du capital d'OTA avait été, à ses débuts ou quelques années après, ouvert sur la bourse d'Alger,OTA aurait pu être le moteur d'une croissance internationale d'une entreprise (en partie algérienne) dans le secteur des télécoms». Selon lui, «OTA a la structure financière et l'envergure pour être un joueur important dans le secteur». Le Temps d'Algérie : Orascom Télécom Algérie est un opérateur qui a réussi à se développer en Algérie et a réalisé d'importants bénéfices. Il y a quelques mois, OTA valait, selon des spécialistes, près de 10 milliards de dollars. OTA préserve-t-elle la même valeur après l'opposition exprimée par l'Algérie à Orascom Télécom Holding de vendre OTA à un opérateur étranger ? Liès Kerrar : La valorisation dont il est question est, selon nos analyses, en deçà de 10 milliards de dollars. Il est cependant vrai que plusieurs facteurs ont affecté depuis un an la valorisation d'Orascom Télécom Algérie. D'abord, le redressement fiscal de USD 650 millions que la compagnie a été condamnée à payer réduit du même montant la valeur de l'entreprise. Ensuite, la campagne de boycott de certains clients à la fin 2009 a probablement affecté le nombre d'abonnés, ce qui réduit la valeur de l'entreprise. Les résultats publiés par Orascom Télécom Algérie pour l'exercice 2009 montrent déjà une baisse du nombre d'abonnés et une érosion de l'ARPU (Average Revenu Per User : Revenu Moyen par Abonné). Les résultats du premier trimestre 2010 devraient permettre d'avoir une meilleure idée de l'ampleur de la désaffection éventuelle des clients. Les éléments fondamentaux de la valorisation d'Orascom Télécom Algérie restent la base de clientèle, les revenus qu'elle permet de générer et leurs perspectives de croissance. La législation en vigueur accorde à l'Etat algérien le droit de préemption sur toutes les cessions de participation des actionnaires étrangers ou au profit d'actionnaires étrangers. Dans une telle situation, comment est-il possible de définir le prix de vente d'OTA ? Comment peut-on effectuer le montage financier dans une telle transaction, sachant que Djezzy devra s'acquitter des redevances auprès de l'administration fiscale ? De façon générale, l'existence d'un droit de préemption réduit la valeur des titres d'une entreprise car il en diminue la liquidité. L'existence de ce droit de préemption était cependant connue des parties qui négociaient car il date de la loi de finances complémentaire 2009, publiée l'été dernier. La fiscalité n'est pas en soi une contrainte pour la transaction. Pour ce qui est de la structure des transactions, plusieurs scénarios sont possibles. Plusieurs intervenants sont partie prenante pour ce type de transaction : le vendeur, le ou les acheteurs, les autorités. Cela peut rendre la transaction complexe, mais en Fusion & Acquisitions, nous avons l'habitude de la complexité. En vertu des largesses mises au profit d'OTA, comment évaluez-vous les investissements réalisés par cet opérateur et son apport à l'économie algérienne ? Je ne suis pas en mesure de confirmer ni d'évaluer les «largesses mises au profit d'OTA». De façon générale, en ouvrant le secteur de la téléphonie mobile à l'investissement, l'Algérie a connu un développement de l'offre de service et les propriétaires d'OTA ont réalisé un rendement sur leur investissement conséquent. Aujourd'hui, Orascom Télécom Algérie représente plus ou moins la valeur de tout le groupe Orascom Télécom Holding. Son EBITDA(voir encadré) représentait pour 2009 près de la moitié de l'EBITDA du groupe et les cash-flow de OTA ont permis de nourrir l'expansion internationale du groupe. Aussi, si une partie du capital d'OTA avait été, à ses débuts ou quelques années après, ouverte sur la bourse d'Alger, OTA aurait pu être le moteur d'une croissance internationale d'une entreprise (en partie algérienne) dans le secteur des télécom. Elle a la structure financière et l'envergure pour être un joueur important dans le secteur. Les cash flow que l'entreprise génère lui permettraient de croître à l'international.