Mohamed Boubekeur, expert et professeur universitaire en risques majeurs, pense que l'écroulement des habitations de Beni Ilmane (M'sila) n'est pas étonnant dans la mesure où ces constructions sont traditionnelles et ne répondent plus aux normes parasismiques d'aujourd'hui. Le séisme de Beni Ilmane rappelle tristement celui de Boumerdès. Des morts et l'écroulement de nombreuses habitations, peut-on dire que les leçons de la catastrophe de 2003 n'ont pas été retenues ? Le problème est clair et il ne faut pas confondre. Ce qui s'est passé à M'sila est d'ordre urbain. Les maisons qui se sont écroulées sont d'anciennes habitations. Ce sont des demeures traditionnelles et qui ne répondent pas en ces temps aux conditions parasismiques. Donc, il ne faudrait pas s'étonner qu'avec une telle magnitude et dans une zone sismique qu'il y ait écroulement d'habitations. D'ailleurs, au point de vue dommages, ils sont à prendre en considération. Je reviens toujours pour dire que nous avons malheureusement l'habitude d'oublier. Dès qu'il y a une catastrophe en Algérie et qu'on dit qu'on va faire et refaire, les normes ne sont pas appliquées. Pourtant, nous avons des organismes très compétents. Mais une fois la catastrophe dépassée, on oublie. Justement, il existe encore des milliers de maisons traditionnelles ? Quelle est donc la solution à envisager pour éviter d'autres dégâts ? Pour raser toutes les maisons traditionnelles c'est pratiquement une mission impossible. Avec le renouvellement du tissu urbain, les pouvoirs publics peuvent songer à intégrer les parcelles des veilles maisons des douars et des villages dans les programmes de relogement. Et ce n'est pas toutes les régions d'Algérie qui sont sismiques. S'agissant des habitations anciennes se situant dans des zones à fort taux de sismicité, elles doivent être rasées. Il y a aussi d'autres solutions, comme le confortement et le renforcement des habitations stratégiques, comme les hôpitaux, les casernes, les wilayas, les sièges de daïra, les APC, etc. Il faudrait toujours qu'on retienne les leçons du passé. Suivre les règles des organismes parasismiques et les plans d'occupation du sol et les appliquer. La loi sur les risques majeurs encadre également les principes de la prévention et de l'intervention. Mais ils ne sont malheureusement pas appliqués. Il y a également d'autres textes d'application qui ne sont pas promulgués jusqu'à ce jour. Nous avons un arsenal juridique très important, de la prévention ainsi que de l'organisation des secours. Pour revenir au tremblement de terre de Beni Ilmane, heureusement qu'il y a eu une intervention rapide de la Protection civile. Et ce n'est pas suffisant, nous n'avons pas la culture du risque. Cette culture revient à dire que nous avons besoin d'informer et de former la population. Chaque citoyen a le droit d'être informé sur les risques majeurs. Entreprenons les choses comme elles doivent l'être. Il faut mettre à la place les gens qui méritent de gérer les risques. Comment intensifier la formation et l'information sur les risques majeurs au profit du citoyens ? J'ai maintes fois proposé aux autorités une formation spécialisée pour les journalistes et par conséquent les citoyens. Il n'est pas normal que des journalistes maîtrisent des sujets en sport, en économie, en politique et qu'il n'existe nullement ou presque pas de journalistes spécialisés en risques majeurs. D'ailleurs, la nouvelle école de journalisme ne propose pas l'enseignement de cette filière. Et j'espère que le message va passer. Propos recueillis par