Les fréquentes secousses telluriques ont causé de grandes frayeurs à la population, certains parlent déjà de « signes précurseurs » d'un puissant séisme. Cette allégation a-t-elle une explication scientifique ? L'activité sismique produit, en moyenne, jusqu'à 60 secousses par mois, soit près de 1,5 à 2 secousses par jour. Parmi la soixantaine de secousses que le Centre de recherche en astronomie astrophysique et géophysique (Craag) enregistre, laquelle peut-on considérer comme un signe avant-coureur d'un événement sismique majeur ? Je peux vous dire que l'activité tellurique est tout ce qu'il y a de plus normal, les histogrammes inscrivant pas moins de 600 secousses par an. Certes, l'événement de Beni Ilmane a créé un pic dans l'activité sismique dans la mesure où une secousse de 5,2 est fatalement suivie d'une série de répliques, associées à l'événement. Topographiquement, les petites répliques qui accompagnent le tremblement de terre se produisent généralement dans la même région. Le tremblement de terre de Koléa est, lui, un phénomène dissocié de celui de M'sila. En tout et pour tout, nous avons compté plus de 200 secousses après le séisme de M'sila dont la magnitude diminue progressivement : l'événement a été ponctué d'une première réplique ayant une magnitude de 3,8 sur l'échelle de Richter puis a entamé la phase de répliques oscillant entre 2 et 1 sur l'échelle de Richter. Dans les jours qui vont suivre, les habitants de M'sila ressentiront des secousses dont les magnitudes pourront atteindre 3 ou 4, jusqu'à l'épuisement de l'énergie. Sommes-nous prêts à affronter une catastrophe sismique plus importante ? Le Craag étudie la vulnérabilité des sols à travers deux volets : d'abord le paramètre géométrique du sol, en s'appuyant sur la carte sismo-tectonique. Le deuxième volet a trait à la structure du bâti. Des catalogues ont été établis à cet effet, dans les zones où il y a eu des séismes importants, par nos collègues du CGS et du ministère de l'Habitat qui ont tiré les leçons des précédents drames pour composer avec des règlements sismiques adaptés. Y a-t-il des cartographies précises sur les zones sismiques algériennes ? Il faut savoir que c'est un problème difficile qui demande du temps. Les zones historiquement actives comme Chlef, Alger et Constantine ont déjà été prises en charge. Les opérateurs concernés ont appris des malheurs qui ont secoué ces régions. La révision du règlement parasismique est une opération normale et nécessaire. Pour ce faire, il est essentiel de remonter dans le temps pour repérer une activité. On ne peut pas prescrire une ordonnance pour un cancéreux sans déceler les symptômes de sa maladie. Nous devons, par ailleurs, établir les grades selon des bases très strictes étayées par la connaissance de la région, afin de préparer les structures à vivre des événements sismiques. Aussi, les grades doivent être bien étudiés, car une catégorie élevée de la dangerosité de la zone implique une plus- value financière sur les constructions. Même si les précautions prises pour les bâtiments sont utiles, elles pourraient pénaliser les opérateurs économiques chargés de la construction des structures ainsi que les citoyens qui payeraient plus cher leurs appartements. Lorsqu'on est conscient de ces enjeux, on se doit d'être prudent. Dans les faits, le Craag dispose-t-il de moyens nécessaires pour prévenir une catastrophe ? Le réseau algérien de surveillance sismique a été opérationnel après le séisme de Chlef. Nous avons désormais des données précises et claires sur les activités sismiques. Le Craag a mis en place un catalogue de l'activité sismique dont les données remontent jusqu'à 1365. Le catalogue s'est enrichi de données instrumentales pour mettre en place un schéma cohérent et exhaustif. Que pensez-vous de la théorie avancée récemment, selon laquelle un séisme d'une magnitude de sept sur l'échelle de Richter raserait tous les bâtiments stratégiques d'Alger ? Il faudrait être responsable avant de tenir de tels propos. Il est, bien sûr, important de s'enquérir de l'état du bâti algérien. La partie construite avant les années 1980 et le séisme d'El Asnam ne répond pas à la définition parasismique algérienne. Nous ne pouvons évidemment pas détruire ces constructions faites avec les connaissances de l'époque. Entre 1981 et 1983, il y a eu deux sortes de construction, celles réalisées par les entreprises publiques, répondant à un cahier des charges bien défini, et une autre catégorie érigée par des entreprises privées dont on ignore les conditions de travail. Aussi est-il nécessaire de chercher ces données sur les constructions, sans incriminer les privés qui construisent en toute bonne foi.