L'audacieux jeune malfaiteur faisait les quatre cents coups. Et à chaque fois qu'il est pris, il donnait des coordonnées d'un voisin au casier judiciaire vierge. Résultat : c'est le voisin qui va subir un véritable calvaire et subir les pires ennuis émanant d'énergiques enquêteurs prompts à agir à l'encontre de malfaiteurs qui courent les rues. Et le pauvre voisin malmené est un père de famille qui ne cherche que la paix, le «P» de paix pas de police. Et la paix ces jours-ci ne règne même pas sur nos routes où le «terrorisme routier» s'est installé en attendant que des coups mortels pour le porte-monnaie et la poche arrivent à bout de ce fléau. Pour ce dossier, le subterfuge était et demeure presque unique en son genre. Comment donc s'y était pris le malfaiteur ? Simple. Il fait la connaissance de celui qui avait été, à un moment donné, son voisin, et ce, en taule. De propos mielleux en discussions chargées entre détenus, le contour du piège allait prendre naissance. Le second détenu allait quitter la prison, alors que le premier y restera encore quelque temps. Puis, à la sortie, Ali est devenu Amor. Mais le jour où Amor avait été arrêté, il n'était pas Amor... Lorsque Ahmed Oussaâdi vit s'avancer la victime, en attendant l'inculpé d'usurpation de l'article 242 du code pénal, il avait compris toute la détresse qui se lisait sur sa mine plus que défaite par ce qui venait de lui arriver depuis un certain temps. Et il va alors subir la loi n°06-23 du 20 décembre 2006. - «Alors, on est heureux, ravi, satisfait de son honteux comportement ?», demande d'emblée le président à l'inculpé qui va de suite baisser la tête, le ton et même le menton. Il est vrai que le détenu avait vite aperçu des proches assis parmi l'assistance, et certainement des proches qui le dérangent par leur seul déplacement et leur seule présence dans la salle d'audience d'El Harrach. - «Je, euh, je... mmm, heu...», jette à voix basse Ali K., visiblement déjà déstabilisé par cette première question «assassine» de ce Oussaâdi, pas du tout prêt à tendre son cou à ce long couteau de Ali qui a eu l'outrecuidance de prendre l'identité de ce pauvre jeune père de famille Amor L., qui avait subi les pires humiliations de multiples convocations, interrogatoires au commissariat, au parquet, et ce lundi à El Harrach où l'on ne fait jamais de cadeaux aux «invités des convocations policières». - «Quoi, je, heu, mmm. Vous répondez à la question. Vous aurez ensuite tout le temps pour marmonner seul. Et si vous vous sentez mal et pas du tout apte à être entendu, puisque vous n'avez pas voulu l'assistance d'un avocat, le tribunal va renvoyer les débats jusqu'à votre rétablissement», balance le juge qui avait entre-temps ôté sa paire de lunettes de vue, le temps de s'expliquer avec ce terrible Ali. Puis se tournant vers Amor, la victime, le magistrat va apprendre que Ali s'était joué de lui, en prenant ses coordonnées et de s'en servir pour escroquer à gauche et à droite, là où on ne peut se graisser la patte sans suer, sans risque, sans ahaner outre mesure. - «C'est en le décrivant que les policiers avaient poussé le détail que je n'ai eu aucune peine à les diriger sur lui. Je m'étais souvenu qu'il m'avait beaucoup questionné à propos de ma famille, de mes proches, surtout qu'il avait été mon voisin. Le tour de farce était plus qu'aisé», a raconté la victime qui verra Barkahoum Messaoudi, la représentante du ministère public, requérir une peine de prison ferme sans amende, mais avec des dommages et intérêts conséquents que la victime avait réclamés pour le préjudice moral subi. Evidemment, ce n'est pas à Oussaâdi que l'on apprend à frapper fort un inculpé jugé coupable du délit, commis bêtement par quelqu'un qui ignorait jusque-là ce qu'opter pour une identité qui n'est pas la sienne. Alors, une pluie de tuiles s'était abattue sur tout le monde.