“Il n y a plus de chez-soi. Il y a quelques années, on entendait rarement les voisins se disputer. Nos enfants étaient polis, urbains et respectueux de l'autre ; aujourd'hui, tout a basculé. Je vis le calvaire avec mon voisin du dessus. Chaque vendredi, surtout les après-midi, il entame ses travaux. Un jour, il refait sa salle de bain, un autre, sa cuisine et ainsi de suite sur presque toute l'année. Une fois, j'ai osé lui demander de faire moins de bruit. Il n'a pas trouvé mieux que de me répondre qu'il n'allait tout de même pas arrêter ses travaux pour me faire plaisir. De crainte que la situation déborde, je subis le bruit de ce voisin en silence”, raconte Mourad, un fonctionnaire à la poste. “Eviter au maximum les cours de justice” “Tous ces problèmes de voisinage sont surtout causés par le mélange du social et du promotionnel. Ainsi, dans beaucoup de quartiers promotionnels, des couples ont préféré déménager : les voisins d'en face, une cité ‘sociale', passaient leur temps à se disputer de nuit comme de jour. Des bruits qui les empêchaient de dormir”, explique Noura, médecin généraliste. “Dans ce même quartier, une femme a failli se faire tuer par son mari l'été dernier. Il était 14 heures quand j'ai entendu des cris de ma voisine d'en face. Son mari la battait presque chaque jour. De peur que la situation ne tourne au drame, j'ai alerté les autres voisins qui sont immédiatement intervenus. Mais la situation ne s'est pas améliorée. Nous avons donc décidé de déposer plainte contre ce voisin. Le hic est que la bonne dame a tout nié par peur de son mari. Nous avons décidé de régler ce conflit à l'amiable, sauf que notre voisin a refusé toute relation apaisée avec nous, et a décidé de se venger de nous en faisant de plus en plus de bruit. Je pense que c'est la raison pour laquelle les voisins évitent de se mêler.” “Faites donc taire vos enfants” Des coups de manche à balai sont quotidiennement donnés au plafond, en réponse aux pleurs nocturnes naturels des bébés ou enfants. Meriem et son mari ont deux enfants en bas âge. Ils habitent du côté de Bab Ezzouar. “Nous ne savons plus quoi faire avec nos voisins du dessous. Chaque nuit, c'est la même scène qui se répète. Dès que l'un de mes enfants se réveille le soir et commence à pleurer, chose naturelle chez les nourrissons, j'entends des coups de balai et des cris qui me demandent de faire taire mes enfants. Le matin, ce même voisin me prie de faire cesser ces pleurs incessants qui le dérangent et l'empêchent de dormir. Est-ce qu'on est devenu égoïste au point de demander de faire taire les cris d'un enfant ? Je pense que la situation est grave et qu'il est temps de revenir à nos anciennes traditions de bon voisinage où le voisin est synonyme de bonté, d'aide et où les relations étaient presque familiales.” “À cause de son mur, je ne vois plus le soleil” M. Brahim est un handicapé habitant une petite maison à Aïn Benian. Son voisin a construit un mur de clôture l'empêchant de voir la lumière et le soleil. L'affaire dure depuis plus de 3 ans. “Je lui ai demandé à plusieurs reprises de démolir ce mur, il a refusé. J'ai alors saisi les autorités communales et le service de l'urbanisme. Après constat, ces derniers ont ordonné à ce voisin de démolir le mur, mais ce dernier fait la sourde oreille. J'en ai ras-le-bol. Mes enfants, ma femme ne voient plus le soleil ! Il ne me reste qu'une chose à faire, c'est de l'attaquer en justice.” Maudits voisins ! Nadia en a marre de sa voisine qui étale son linge lavé juste sur son sèche-linge. La querelle a presque viré au drame. Depuis plusieurs mois, le conflit couvait entre les deux voisines. Ce jour-là, c'est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Excédée par l'eau qui coulait du linge, Nadia tire d'une main les draps de sa voisine du dessus et les jette dans la cour. La réplique de cette dernière ne s'est pas fait attendre. Elle verse une bassine d'eau sur le sèche-linge. Après insultes, injures et menaces, les deux voisines rentrent chez elles. Le soir, c'est au tour des hommes, après les insultes, ils passent aux coups. La dispute s'est terminée tard dans la nuit grâce à l'intervention des voisins qui ont préféré ne pas appeler la police. “Maudits voisins !” diront-ils.