Les neuf bateaux de la «flottille de la paix» chargés d'aides humanitaires pour briser le blocus israélien sur la bande de Ghaza devraient faire jonction aujourd'hui en Méditerranée, dans les eaux internationales, avant de se diriger vers les côtes de l'enclave palestinienne pour les atteindre initialement samedi. Or, Israël n'entend pas autoriser les navires réunis à l'appel du mouvement «Free Ghaza» qui a déjà réussi à faire parvenir aux populations palestiniennes en détresse des aides humanitaires, d'accoster à Ghaza, malgré les négociations secrètes entre les organisateurs de l'opération et les autorités de Tel-Aviv. Mardi dernier, l'appel lancé à Israël et aux humanitaires internationaux par le chef de la diplomatie turque Ahmet Davutoglu, à «la modération», n'a pas eu d'écho. Alors que les autorités israéliennes menaçaient d'arraisonner les navires, et d'arrêter les humanitaires s'ils pénètrent dans les eaux territoriales palestiniennes, ces derniers faisaient savoir leur détermination à aller jusqu'au bout de leur mission. Menaces «Nous espérons qu'il n'y aura pas de tensions, nous pensons qu'Israël comme les ONG se comporteront avec bon sens», a indiqué, à Istanbul, Davutoglu, qui a confirmé que son pays a entrepris des démarches auprès de Tel-Aviv, pour permettre à la flottille de parvenir à bon port sans incidents. «Il y a eu des initiatives, mais pas sous la forme d'un ultimatum. Ce qui compte, c'est que l'aide dont a besoin le peuple palestinien à Ghaza atteigne Ghaza. Il faut trouver des moyens adéquats, des voies appropriées pour y parvenir. Il faut garder son sang-froid. Le but n'est pas de rajouter de la tension dans une région où elle est déjà forte», a expliqué le ministre turc, dont le pays entretient de bonnes relations avec l'entité sioniste. Israël, qui maintient un blocus inhumain sur les populations de Ghaza depuis 2007, accentué après son agression sauvage contre l'enclave, en janvier 2009, engendrant la destruction du gros des infrastructures et des habitations, restait inflexible quant à autoriser les bateaux à atteindre leur objectif. Un responsable au niveau du ministère israélien des Affaires étrangères a parlé de «provocation», affirmant qu'Israël «n'a pas l'intention d'autoriser ces bateaux à rejoindre Ghaza». Du reste, ces menaces ont eu pour conséquence de retarder la flottille qui transporte 10 000 tonnes de matériel médical, équipement hospitalier et matériaux de construction à Ghaza, ainsi que 750 militants, issus d'une soixantaine de pays, de parvenir à Ghaza, mercredi soir, comme prévu. Parmi les participants à cette expédition humanitaires figurent des parlementaires, des politiques et des hommes d'affaires, des journalistes et des humanitaires, issus de Grande-Bretagne, de France, d'Espagne, d'Italie, d'Irlande et de Turquie, de pays arabes dont l'Algérie. Il faut savoir que l'Etat hébreu veut montrer qu'il est maître à bord dans la région, et cherche à le rester. Pas de marche arrière Les autorités israéliennes ont proposé en catimini aux organisateurs de l'opération de faire accoster les bateaux dans un port israélien, d'où elles se chargeront d'acheminer les aides à Ghaza. Bien entendu, cette manœuvre, qui visait à contrôler la nature des aides mais aussi à les confisquer pour maintenir ce blocus criminel, a été refusée, selon les organisateurs. L'un d'eux a expliqué que «selon le droit international, Israël n'a rien à dire concernant les eaux palestiniennes». Il a ajouté que «s'ils interviennent, leur action s'apparentera à celles des pirates en Somalie. Si nous sommes bloqués, nous allons attendre jusqu'à ce que nous obtenions une permission. Il n'y a pas de marche arrière», a-t-il conclu pour montrer la détermination des humanitaires à ne pas se plier au diktat israélien. Le blocus criminel imposé à la bande de Ghaza dénoncé par la communauté international «continue d'entraver gravement la reconstruction des bâtiments et infrastructures détruits lors de l'offensive israélienne de décembre 2008-janvier 2009», a rappelé un récent rapport du Pnud. «Seuls 25% des dégâts ont pu être réparés, plus d'un an et demi après l'offensive dévastatrice», indique le rapport. Le texte relève que «la plupart des institutions médicales ont été remises en état, dont dix des douze hôpitaux endommagés, ainsi que 78% du système de tout-à-l'égout et des conduites d'eau», estimant que malgré ces «quelques améliorations, l'aide internationale s'est révélée largement inefficace du fait notamment qu'elle s'interdit d'utiliser du matériel importé à travers des tunnels de contrebande à la frontière égyptienne». Selon la Banque mondiale, cité par le rapport, «80% des importations parviennent à Ghaza» par les tunnels. L'Egypte impuissante «Les organismes d'entraide islamiques, qui emploient, eux, des matériaux de construction venus par ces tunnels, se sont avérés plus à même d'aider à la reconstruction», relève le texte. Dans ce constat, le Pnud, a confirmé mardi que «les trois quarts des infrastructures détruites ou endommagées par l'armée israélienne dans la Bande de Ghaza ne sont toujours pas reconstruites ou réhabilitées». Pour cet organisme onusien, «82,5% des écoles sont encore à l'état de ruine, 75% des terres cultivables restent inutilisables et 60% des entreprises privées n'ont pas repris leurs activités». Le texte estime à «environ 173 millions de dollars» les aides allouées aux réparations et à 151 millions de dollars celles destinées à l'assistance humanitaire entre les mois de décembre 2008 et janvier 2009, «mais plus de 527 millions de dollars sont nécessaires pour reconstruire tout ce que l'armée israélienne a détruit», ajoute-t-il. Le Pnud estime que si «le besoin de reconstruire est primordial pour les Ghazaouis, l'occupant israélien refuse toujours d'autoriser l'importation de matériaux de construction dans la bande de Ghaza». Et c'est se qui se répète avec l'opération actuelle initiée par «Free Ghaza». L'armée israélienne a déjà préparé une opération baptisée «Vents du ciel», destinée à arraisonner les navires humanitaires, selon un journal israélien, qui fait état de «préoccupations» israéliennes quant à des affrontements entre la marine et les organisateurs de l'opération dans le cas où ces derniers refusent d'obtempérer. La Ligue arabe a appelé la communauté internationale et les grandes puissances et les organisations des droits de l'homme à «unifier leur position pour permettre l'entrée à Ghaza de bateaux d'aide humanitaire et la levée du blocus injuste imposé au peuple palestinien». Seule la France a fait part de son vœu de voir la levée du blocus contre Ghaza, mais ce pays n'a aucune autorité pour faire plier l'entité sioniste. Seuls les Etats-Unis sont à même d'influer sur la situation mais Washington qui considère le mouvement Hamas, qui administre la bande de Ghaza, comme une organisation terroriste, se refuse à toute intervention. Du reste, l'Egypte, qui a tout le loisir de lever le blocus contre les Palestiniens si elle daigne ouvrir le passage de Rafah, est quelque part «empêchée» de le faire. Le Caire aurait pu à la limite inviter les organisateurs de la flottille de la paix à se regrouper dans les eaux territoriales égyptiennes avant d'acheminer les aides aux Palestiniens, mais les autorités égyptiennes restent impuissantes devant les menaces israélo-américaines. Pendant que la flottille de la paix se préparait à faire route vers Ghaza, l'aviation israélienne bombardait cette enclave, faisant une quinzaine de blessés parmi les civils palestiniens. Tel-Aviv expliquait que l'armée israélienne répondait aux tirs de roquettes palestiniennes. Or ces bombardements coïncidaient comme par hasard avec le départ des humanitaires internationaux pour Ghaza. C'est là une manière sournoise de leur dire que la région reste instable pour les accueillir…