Figure historique de l'Algérie et du FC Porto, Rabah Madjer a bien voulu livrer à France Soir ses impressions avant le Mondial. Les Fennecs (surnom de l'Algérie) retrouvent la Coupe du monde vingt-quatre ans après. Des scènes de liesse ont explosé en Algérie et même en France. Comment peut-on l'expliquer ? L'attente devenait interminable. Nous avions besoin de revoir l'Algérie au plus haut niveau. Vu notre potentiel, il était anormal que nous soyons absents depuis autant de temps. Quant à la joie, elle est légitime. Le football est ancré dans notre culture. Tout le monde ne parle que de ça. Et puis ce pays avait besoin de victoires, ça contribue à une forme de réconciliation nationale après une période délicate. Vous avez fait partie de la grande équipe d'Algérie des années 1980 qui a notamment battu la RFA en 1982 (2-1), en Coupe du monde. Quelles sont les chances de cette génération en Afrique du Sud ? Ce qui est frappant chez cette équipe, c'est son esprit de corps. Elle est soudée, bien organisée. Elle a un vrai potentiel. Lors de la dernière CAN, on a vu les Ziani, Matmour, Meghni ou Ghezzal éliminer la Côte d'Ivoire des Drogba, Kalou ou Yaya Touré (3-2 ap). Ça correspond un peu à notre mentalité : quand les Algériens décident de faire un grand match, ils le font ; quand les Algériens décident d'être une grande équipe, ils le sont. Sur le tournoi, en lui-même, le premier match contre la Slovénie est un tournant. Si on réalise un bon résultat, on devient capable de tout. C'est un groupe difficile. Mais pas impossible. La plupart des joueurs de la liste de Rabah Saâdane n'évoluent pas en Algérie. Qu'en pensez-vous ? Je ne partage pas du tout ce choix. Mais je le respecte. En Algérie, il y a de la qualité. Il faut la mettre en valeur et arrêter de la marginaliser. La seule CAN (1990) remportée par l'Algérie, l'a été avec des joueurs du cru. Quant à ceux qui sont passés par les catégories jeunes de l'équipe de France et qui aujourd'hui vont jouer le Mondial avec l'Algérie, j'estime c'est en quelque sorte de l'opportunisme. Que pensez-vous de la liste de Raymond Domenech ? Et notamment des absences de Karim Benzema et de Samir Nasri, deux joueurs d'origine algérienne… J'ai été très surpris de ne pas les voir dans la liste des 30. Ils sont jeunes et doivent se remobiliser, car l'avenir est devant eux. Maintenant, à savoir s'ils ont fait le bon ou le mauvais choix en optant pour les Bleus…. C'est leur choix, et il faut l'assumer. Mais je soutiens Raymond Domenech de tout mon cœur. Son rôle n'est pas facile. Et je crois qu'il peut réussir. Si la France arrive en quart de finale, elle devient dangereuse et peut aller au bout. Il y a du talent à tous les postes. Quels sont vos favoris pour ce Mondial ? Le Brésil et l'Espagne. Mais attention à l'Argentine et aussi à l'Angleterre. Fabio Capello a fait énormément progresser les Anglais. Il faudra faire attention à eux. Vous avez marqué l'histoire du FC Porto avec votre fameuse talonnade en 1987 contre le Bayern Munich en finale de la Coupe d'Europe. Aurez-vous un œil sur le Portugal ? Bien sûr ! L'Algérie est mon pays mais le Portugal reste à tout jamais dans mon cœur. C'est une équipe pleine de talents et solide à la fois. A l'image d'un Cristiano Ronaldo et d'un Bruno Alves. Je leur souhaite d'aller très loin. Pour moi, ça peut être une grande surprise de ce Mondial. Le rêve, pour moi, ce serait une finale Algérie-Portugal, avec une victoire de l'Algérie ! (rire).