L'Afrique accueille le monde. Durant un mois, l'actualité internationale, toutes spécialités confondues, sera focalisée sur notre continent, en particulier sur l'Afrique du Sud, premier pays africain à organiser une phase finale de Coupe du monde de football. C'est le grand évènement de cette décennie qui débute, en même temps c'est un rendez-vous aux dimensions gigantesques quand on sait que cette compétition va susciter l'intérêt de milliards de personnes aux quatre coins de la planète. A l'image de ce qui se fait aux Jeux olympiques d'été, l'organisation de la phase finale de la Coupe du monde demande aujourd'hui des moyens auxquels la plupart des pays ne peuvent répondre. Il existe tant de priorités dans ces pays que le football, aussi populaire soit-il, ne peut et ne doit pas être une priorité. Les pays africains sont de ceux-là, en dehors certainement de la première puissance économique du continent, l'Afrique du Sud. Et même à ce niveau-là, il y a lieu de se demander si la Coupe du monde peut réellement avoir un impact positif sur le pays qui l'accueille. Depuis l'abolition de l'apartheid et de ses pratiques fondées sur le racisme, l'Afrique du Sud avait besoin de relooker son image de marque auprès de l'opinion internationale. Elle bénéficiait pour cela d'un homme à la stature imposante et à la renommée idéale en la personne de Nelson Mandela, le héros de la lutte anti-apartheid et le premier président d'une Afrique du Sud qui a su rassembler toute sa population autour des symboles de la République, où l'égalité de tous était reconnue. Mais Mandela savait que son pays avait besoin de plus que cela pour obtenir l'unité à laquelle il aspirait depuis qu'il milite. L'Afrique du Sud, grand pays sportif, était avant tout connue pour son équipe de rugby mobilisatrice de la population blanche, le football étant surtout un sport pratiqué par les Noirs. C'est à travers le rugby que Nelson Mandela a obtenu le ciment qu'il cherchait, celui d'allier Noirs et Blancs derrière les mêmes couleurs, celle de l'Afrique du Sud. C'est par lui et grâce à lui que les Springboks (l'équipe nationale de rugby sud-africaine) ont su obtenir ce fameux liant en déclenchant un grand engouement autour d'eux, un engouement où Noirs et Blancs communiaient pour la même cause. Et celle-ci n'avait pas été vaine puisque la Coupe du monde organisée en 1995 sur le sol sud-africain était revenue aux Springboks, une équipe où il n'y avait qu'un seul Noir mais qui était soutenue par une marée humaine où les Blancs étaient minoritaires. Cinq nouveaux stades La Coupe du monde de football est venue tout naturellement prendre le relais de la Coupe du monde de rugby à partir du moment où la Fifa s'était montrée favorable pour l'organisation de la phase finale du Mondial par un pays africain. Il faut le dire, il n'y avait que l'Afrique du Sud à répondre au cahier des charges imposé par la fédération internationale. On a spéculé dans le temps sur les capacités de la Tunisie, du Maroc ou de l'Egypte à obtenir une telle organisation. Ce n'était en fait qu'un coup de publicité pour les trois pays en question car on savait que dans de nombreux secteurs, ils n'étaient pas en mesure de répondre aux conditions que posent la Fifa. Surtout sur le plan des infrastructures, sachant que l'Afrique du Sud partait avec plusieurs longueurs d'avance grâce aux stades qui avaient servi à la Coupe du monde de rugby en 1995. Et puis le gouvernement de ce pays a su se mettre au diapason des exigences de la compétition en dégageant une enveloppe budgétaire de 5,6 milliards d'euros uniquement pour les infrastructures sportives. Cette somme phénoménale devait servir à la construction de cinq nouveaux stades et à la rénovation de cinq autres. En acceptant de débloquer une telle somme, les Sud-Africains cherchaient à investir dans un autre domaine, celui de la relance économique, sachant que de tels projets étaient susceptibles de créer des milliers d'emplois. On a évoqué le chiffre de 129 000 nouveaux postes dont 50 000 devaient exister au-delà du Mondial. Sur un autre plan, l'Afrique du Sud traînait derrière elle la mauvaise réputation d'être un pays où règne l'insécurité. Cette image de pays à risques a largement nui à l'impact de la Coupe du monde auprès des étrangers. Par voie de conséquence, c'est le tourisme qui en a pris un coup puisque sur les 450 000 visiteurs qui étaient annoncés, il se dit que seulement 250 000 se sont déplacés au pays de Mandela. Un énorme manque à gagner que le secteur du tourisme aura du mal à renflouer. Parallèlement à ce phénomène, il y la mainmise de la Fifa sur l'évènement de telle manière que les Sud-Africains ont l'impression d'organiser une compétition qui ne leur appartient pas. En effet, avec le principe des droits de publicité et de marketing, pas un des produits de la Coupe du monde n'échappe aux mains tentaculaires de la puissante Fédération internationale de football. Les PME et les petits artisans sud-africains, qui espéraient arrondir leur compte en banque à la faveur de l'évènement, ont dû grever leur budget pour pouvoir répondre à des assignations en justice de la Fifa. Devant de tels scénarios, en quoi la Coupe du monde peut-elle être profitable, en termes économiques, à l'Afrique du Sud ? Pour le savoir, il faudra attendre longtemps après la compétition pour avoir les premiers chiffres des retombées socioéconomiques sur le pays et sa population. Des estimations rapportent que l'Afrique du Sud sera malgré tout bénéficiaire et que ce qu'elle a investi comme argent dans l'opération sera profitable aux générations futures. Il faudra surtout savoir si les infrastructures sportives seront rentabilisées. En 2004, la Grèce avait organisé les Jeux olympiques d'été pour lesquels le pays avait consacré un budget colossal grâce auquel il avait construit des routes et des autoroutes mais aussi et surtout des infrastructures sportives dont la plupart ne sont pas utilisées aujourd'hui. Quelque part, ce qui s'est passé en Grèce dernièrement avec l'évocation de ce pays en faillite a une relation même lointaine avec l'organisation des Jeux olympiques de 2004.