La déception avait tous ses droits dimanche à Madrid où, par endroits, la petite communauté algérienne s'était organisée en petits cercles un peu comme pour vivre ensemble de grands moments d'émotion et, pourquoi pas, fêter l'événement entre compatriotes. A la fin du match contre la Slovénie, on ne voulait plus s'attarder davantage sur place pour le commentaire d'une rencontre dont personne ne comprenait le résultat. Une douche écossaise. On ne voulait pas trop commenter pour ne pas remuer le couteau dans la plaie. Dans ce petit espace communautaire non loin de la principale mosquée, la zone de ralliement des grandes circonstances où l'on fait son marché dans les épiceries maghrébines et les boucheries halal, et où se préparait la fête depuis la veille, l'ambiance, en ce début d'après-midi, n'est plus celle de la matinée, riche en couleur et dosée en plaisanteries. Seul un petit mioche de 3 ans qui savait à peine compter jusqu'à trois, tout en vert, blanc, rouge vêtu et accroché au jupon d'une maman aux yeux rougis, reprenait sans arrêt le refrain des fans des Verts, un petit drapeau national à la main. Depuis l'exil, comme à chaque événement, bon ou mauvais, qui se produit dans le pays il faut donc vite appeler la famille et les amis depuis le premier taxiphone. Pas plus qu'à Madrid, Alger et Oran ne comprennent pas. Les algéro-pessimistes, plus nombreux que jamais, si. Un Oranais à l'accent prononcé de l'enfant d'El Hamri qui vient de harceler ses proches de questions – plutôt des critiques – sur la tactique de Saâdane briffait le petit cercle silencieux qui s'était formé autour de lui. De loin, gesticulant des mains mais aussi des pieds comme à l'approche des bois ou de la tête pour intercepter une balle lancée depuis le point de corner, il ne donnait pas l'impression habituelle en cet endroit d'une prolongation aux portes de la mosquée : «Goulthalkoum wala lâa!» Pendant qu'il exposait dans le détail le système de jeu idéal que «chibani» (cheikh Saâdane) aurait dû mettre en place, un bras, celui de son ami oranais comme lui, le tire hors du cercle. «Lhouari, tu ne sais pas ce qu'on vient d'annoncer sur Canal Algérie ? Hadj Raouraoua a relevé chibani et il a demandé ton portable au consulat», lui dit-il. L'atmosphère se détendait un peu. Puisque les proches n'ont donc rien apporté qui puisse réconforter, il faut rentrer vite zaper sur Canal Algérie. Le commentateur et son invité Nacer Bouiche sont plutôt sereins et ne cèdent pas au désespoir. «Il faut accepter la défaite face à une bonne équipe slovène qui a éliminé la Russie. Et puis, ce n'est pas la fin du premier tour et encore moins la fin du monde. Notre équipe est jeune et n'a pas été ridiculisée, loin de là, elle a dominé les trois quarts du match.» Un commentaire sage, acceptable, réconfortant. Le lendemain, quelque peu remis de l'émotion de la veille, on cherche un regard neutre. Celui de la presse espagnole. Tous les journaux ont rendu compte de la rencontre Algérie-Slovénie où la photo du gardien de but Fawzi Chaouchi, le ballon à portée de main est partout. Il suffisait de le ramasser. Un ballon lancé par un joueur slovène qui ne savait pas quoi en faire face à la solide défense algérienne. A la première heure, dans leurs premiers bulletins sportifs sur la troisième journée de la Coupe du monde de football, les chaînes de radio et de télévision espagnoles ont consacré de larges commentaires à la surprenante défaite de l'Algérie face à la Slovénie. Pour le commentateur de TVE, «la victoire slovène est le résultat d'un but sur une balle perdue». Son collègue de la RNE, sans méchanceté, loin de là, y voit «plutôt un cadeau du gardien de but algérien». La presse écrite a fait les mêmes commentaires. Elle ne comprend pas, elle aussi, au point de se demander si après l'erreur du gardien de but britannique, la veille, suivie à peu près dans les mêmes conditions de celle de Faouzi Chaouchi «il ne se pose pas quelque part la qualité du cuir utilisé dans ce Mondial».