On ne peut pas embrasser ses joueurs avec une telle fougue, des élans affectifs aussi vrais sans qu'ils ne se sentent obligés de se tuer pour le lui rendre sur le terrain. Diego Maradona a joué au football comme personne d'autre, il est certainement en train de réinventer le métier de sélectionneur. Par l'amour. Voir Messi lui sauter au coup à l'orée de chaque succès a de quoi faire chavirer les cœurs orphelins des élans d'hommes que le football déserte chaque jour un peu plus mortellement. Pourtant, le petit prodige qui refuse toujours aussi obstinément une ressemblance qui le priverait de son dieu est plutôt proche de l'exemple de retenue que de l'exubérance caricaturale. D'appréhender la perspective martyrisante de l'ersatz sans lendemain, Messi veut rester le petit garçon gentil qui veut seulement émerveiller un papa aux bras trop généreusement ouverts pour ne pas s'y engouffrer. ça lui suffit, du moins à ce stade de la vie. Seul caprice accordé au petit : quelques secondes de plus contre une poitrine et un visage où il y a suffisamment de chaleur pour tous les «enfants». Avant d'aller esquisser l'architecture d'une autre victoire. Diégo, comme Leo – et oui, ils se ressemblent tout de même – n'ont aucune intention de gagner comme tout le monde. Certainement aussi parce qu'ils ne le savent pas. Du premier, on a dit que lui confier la sélection argentine était une plaisanterie de mauvais gout. Du deuxième qu'il fallait «lui naturaliser» Xavi… l'espagnol sans quoi il ne réussira jamais rien avec l'équipe de son pays. Trop dur pour les artistes. Deux extraterrestres, dont on n'invente pas le talent. Quelques difficultés puis s'en vont en Coupe du monde éclater une vérité qui aurait pu être évidente : sur le banc comme sur l'herbe, le talent ne s'invente pas. Il serait anormal qu'il se perde donc. Diego voulait des hommes à la hauteur de sa conception du foot. Pas spécialement à son image. Et il n'a pas hésité à laisser sur le carreau deux immenses joueurs que sont Cambiaso et Riquelme. Il a même sacrifié un monstre sacré du nom de Zanetti. Il est fou ? Et alors ? Peut-on s'appeler Maradona et gagner la Coupe du monde autrement que par la folie ? Dans la folie. Crier comme un dingue sur la main courante, renvoyer le ballon à chaque fois qu'il lui arrive sur la touche d'une pichenette de virtuose, débarquer en conférence de presse d'après-match en croquant une pomme, envoyer paitre Michel Platini et Pelé réunis et rassurer les journalistes sur la nature des bisous qu'il distribue aux siens : «J'aime les femmes, j'aime les femmes, j'aime les femmes…» Quant à Leo, le ballon lui colle toujours aussi bien au pied qu'à la peau. Insuffisant pour sacre final ? Certainement. A eux deux, ils incarnent seulement une autre manière de jouer au foot. Et d'en donner le goût. Il serait presque injuste que ce foot là ne triomphe pas. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir