Quand bien même fut-il adulé dans son pays pour ses faits d'armes durant la Seconde Guerre mondiale et sa témérité lors de la bataille de Dien Bien Phu, Marcel Bigeard restera pour les Algériens ce triste officier de la Coloniale qui ordonna, entre autres, l'assassinat d'un des plus grands dirigeants de la Révolution algérienne, le martyr Larbi Ben M'hidi. Décédé hier à l'âge de 94 ans, le général français s'était illustré, lors de la guerre d'Algérie, par sa cruauté et, surtout, l'usage immodéré de la torture contre les résistants algériens. Dans la région de Constantine, où il prit son premier commandement en Algérie, une année après sa libération par les Vietnamiens qui le capturèrent lors de la bataille de Dien Bien Phu, le lieutenant-colonel Bigeard se fera tristement connaître auprès de la population civile indigène. Arrestations arbitraires, interrogatoires musclés, extorsion d'aveux par la torture, l'officier français ne lésinera sur aucun moyen pour écraser l'insurrection populaire en Algérie. Son zèle et son acharnement à casser du «fell's» lui vaudront un avancement rapide, notamment après les succès des opérations héliportées qu'il dirigea en Kabylie. Guerroyant dans le nord constantinois mais aussi dans les montagnes arides des Aurès, il sera plusieurs fois blessé lors des accrochages avec les unités de l'ALN. Il sera aussi la cible d'un attentat en septembre 1956. Blessé au bras et au foie, il échappera miraculeusement à la mort. C'est durant la bataille d'Alger, en 1957, qu'il se fera le plus connaître. Ses méthodes peu orthodoxes, ses «succès» contre les cellules dormantes du FLN feront de lui un véritable héros aux yeux des ultras, partisans de l'Algérie française. Cette «reconnaissance» du peuple français d'Algérie le poussera à la pratique systématique de la torture. Toute personne soupçonnée d'apporter une quelconque aide au FLN est systématiquement envoyée au supplice de la gégène et aux séances non moins dégradantes de la baignoire. Le colonel ne sera jamais inquiété pour ses méthodes guerrières. Bien au contraire, ses parachutistes seront encouragés par la hiérarchie militaire, et leur action approuvée par le gouvernement français. Défendant ses thèses et sa conception de la guerre contre-révolutionnaire, Bigeard parviendra à convaincre ses supérieurs de la nécessité de créer une école dont la mission est de former les militaires français à la lutte antiguérilla. Cette école verra le jour en 1958, sur la plage de Jeanne d'Arc, à quelques kilomètres à l'est de Philippeville, l'actuelle Skikda. La population locale, déjà traumatisée par les événements d'août 1955, apprendra à ses dépens les méthodes «révolutionnaires» prônées par Bigeard. En fait, l'officier et ses hommes passeront maîtres dans l'art de la torture ; leurs techniques seront d'ailleurs reprises par les gouvernements fantoches d'Amérique du Sud, qui s'emploieront à les expérimenter sur les militants de la gauche révolutionnaire. Des instructeurs français ayant participé à la guerre d'Algérie seront par ailleurs recrutés en grand nombre dans ces pays. N'ayant de compte à rendre à quiconque, Bigeard va exceller dans la cruauté. L'occasion lui sera donnée en janvier 1959, lorsqu'il reçut le commandement de la région de Saïda. Là, il s'illustra par des crimes de guerre peu communs à l'époque. Selon de nombreux témoins oculaires, des maquisards faits prisonniers sont montés en hélicoptères et précipités dans le vide. La méthode sera aussi expérimentée à partir des minarets des mosquées. Le colonel, dit-on, n'avait aucun respect pour ces lieux de culte qu'il foulait avec ses grosses godasses.