Après avoir pris part à la guerre d'Indochine, où il avait participé à la sévère défaite de la France à Dien Bien Phu, le général Marcel Bigeard avait également défrayé la chronique lors de la guerre d'Algérie, où il avait tout essayé, y compris la torture, pour venir à bout des combattants algériens de la liberté, en vain. Le général français Marcel Bigeard est décédé, hier matin, à l'âge de 94 ans, à son domicile de Toul, dans l'est de la France, a indiqué son épouse. Il avait été hospitalisé plusieurs jours le mois écoulé à Nancy. En mars dernier, le général avait déjà été soigné pendant une dizaine de jours pour une phlébite au centre hospitalier universitaire de la même ville. Marcel Bigeard était l'une des plus grandes figures de l'armée française dont il était l'un des officiers les plus décorés. Mais, pour les Algériens, il représentait le tortionnaire, qui a tout fait pour faire échouer la Révolution algérienne. Ainsi, après la déroute de l'armée française en Indochine, où il avait pris part aux combats de la célèbre bataille de Dien Bien Phu au Viêt-Nam, qui s'était achevée le 7 mai 1954 par une éclatante victoire des hommes du général Giap, Marcel Bigeard participe à la guerre d'Algérie. Commandant du troisième régiment de parachutistes coloniaux, il a été l'un des principaux acteurs de la bataille d'Alger en 1957. Il n'avait reculé devant rien pour faire échouer la grève des sept jours décrétée par le FLN, dont le retentissement international avait fait connaître au monde la lutte du peuple algérien pour le recouvrement de son indépendance. Le général Bigeard n'avait jamais accepté le terme de “bataille” utilisé par les historiens pour relater cette période de la guerre d'Algérie et déclarait qu'“il ne s'agit pas d'une bataille, mais tout simplement, et hélas, d'un travail policier”. Pour rappel, suite à la multiplication des attentats perpétrés par le FLN, le pouvoir civil français avait alors délégué tous les pouvoirs au général Massu, qui agissait en dehors de tout cadre légal, pour venir à bout de la rébellion. En dépit des moyens énormes engagés par l'armée française, qui s'était attribuée la victoire, pour l'opinion publique, c'est une défaite pour la France en raison des accusations de recours à la torture contre des civils algériens afin d'obtenir des renseignements. Il y a lieu de rappeler les accusations d'une des victimes de cette pratique barbare, en l'occurrence le membre du Parti communiste algérien et activiste pro-indépendantiste, Henri Alleg. De son côté, la moudjahida algérienne Louisette Ighilahriz a accusé personnellement le général Bigeard de l'avoir torturée. Elle avait raconté à Florence Beaugé dans le journal Le Monde du 19 juin 2000 que “Massu était brutal, infect. Bigeard n'était pas mieux, mais, le pire, c'était Graziani. Lui, était innommable, c'était un pervers qui prenait plaisir à torturer. Ce n'étaient pas des êtres humains. J'ai souvent hurlé à Bigeard : Vous n'êtes pas un homme si vous ne m'achevez pas ! Et lui me répondait en ricanant”. En réponse à ces accusations directes, le général Bigeard a tout démenti en bloc, affirmant que ce n'était qu'un “tissu de mensonges”. Il déclarera aussi que le but de ce témoignage est “de démolir tout ce qu'il y a de propre en France”. Néanmoins, il a qualifié la pratique de la torture de “mal nécessaire”. L'un des épisodes les plus sombres de son passage à Alger aura été la mort d'un des héros de la Révolution algérienne, Larbi Ben M'hidi. Arrêté le 16 février 1957, par des hommes du colonel Bigeard, Larbi Ben M'hidi, qui était le coordonnateur des actions armées à Alger, a été torturé avant d'être exécuté par pendaison le 5 mars par l'armée française. Toute honte bue, les généraux Bigeard et Massu ont tenté de faire croire que le révolutionnaire s'était pendu tout seul. Une version qui n'a jamais été crue par personne, en raison de la très forte personnalité de Larbi Ben M'hidi, qui croyait fortement en son juste combat. Il faut croire que la pratique de la torture par l'armée française était une réalité contestée même de l'intérieur. Le général Jacques Pâris de Bollardière avait marqué sa désapprobation en demandant officiellement le 28 mars 1957 à être relevé de son commandement. Paul Teitgen, secrétaire général de la police à Alger, ancien résistant, catholique, lui emboîtera le pas en septembre de la même année en se prononçant contre la pratique de la torture en Algérie. Malgré ces actes guère glorieux, le général Marcel Bigeard a été promu par la suite à de hautes fonctions par le gouvernement français, qui lui décernait au passage un nombre impressionnant de décorations. Ainsi, il a été secrétaire d'Etat à la Défense de 1975 à 1976, sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing. Il a aussi été député de droite entre 1978 et 1988, période au cours de laquelle il a été président de la Commission de la défense nationale française jusqu'en 1981.