Le général français Marcel Bigeard est décédé, vendredi matin, à l'âge de 94 ans, à son domicile de Toul, dans l'est de la France. Pour les Algériens, il représentait le tortionnaire, qui a tout fait pour faire échouer la Révolution algérienne. Ainsi, après la déroute de l'armée française en Indochine, où il avait pris part aux combats de la célèbre bataille de Dien Bien Phu au Viêt-Nam, qui s'était achevée le 7 mai 1954 par une éclatante victoire des hommes du général Giap, Marcel Bigeard participe à la guerre d'Algérie. Commandant du troisième régiment de parachutistes coloniaux, il a été l'un des principaux acteurs de la bataille d'Alger en 1957. Il n'avait reculé devant rien pour faire échouer la grève des sept jours décrétée par le FLN, dont le retentissement international avait fait connaître au monde la lutte du peuple algérien pour le recouvrement de son indépendance. A l'annonce de la mort de ce dernier, Louisette Ighilahriz qui a été torturée par ce tortionnaire, a déclaré : "Chez nous, le nom de Marcel Bigeard est synonyme de mort et de torture. Il aurait pu libérer sa conscience avant de mourir. J'en suis profondément déçue, malade". Déjà en France, les écrits fleuves sont mis en page pour dénoncer l'hommage que les autorités de la République française tiennent à rendre au général Bigeard en dépit de ses crimes, en dépit de tout ce qu'il représente de "haïssable. C'est une nouvelle démonstration qu'il ne peut y avoir d'unité nationale dans ce pays, quel que soit l'abus que l'on fait des drapeaux, des hymnes et tutti quanti". L'historien Benjamin Stora, dans une de ses sorties sur la guerre d'Algérie, s'interroge : "La France fera-t-elle son examen de conscience ? " " A partir de 1962, les Français aspirent à tourner la page de la guerre. Il ne faut pas oublier que le pays était impliqué dans des conflits armés depuis 1939 ! Et puis, avec le début des années 1960, on change de monde pour entrer dans la société de consommation. On ne reparlera plus de la torture. D'autant que les lois d'amnistie interdiront toutes les poursuites judiciaires. Le débat sur la torture n'a donc jamais été mené jusqu'au bout. Non, même le Parti socialiste héritier de la SFIO, n'a jamais, sur cette question particulière, tenté un travail significatif de mémoire. Et il est d'ailleurs frappant de constater que les Américains sont, en Irak, confrontés au même problème, pratiquer la torture au nom de l'efficacité policière" et paraissent avoir apporté la même réponse que le gouvernement français de l'époque. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le film de Gilles Pontecorvo "La Bataille d'Alger", tourné en 1966, a été montré au Pentagone en 2003, aux officiers américains avant leur départ pour la guerre en Irak. En ce sens, le parallèle à faire entre hier et aujourd'hui n'est pas avec la guerre du Vietnam mais bien avec la guerre d'Algérie. "C'est ce que reconnaissent, désormais, de nombreux éditorialistes de la presse américaine", conclut Benjamin Stora.