Au terme d'une audience qui aura duré toute la journée et une bonne partie de la soirée de mercredi, la cour de justice de Annaba devrait rendre son verdict dans le procès en appel du thon rouge le14 juillet. Ceci après que l'accusation, convaincue de la culpabilité de ceux-ci, ait requis contre les deux cadres du ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques, les deux armateurs algériens et les cinq armateurs turcs une peine de prison ferme de 3 ans et une amende collective de près de 807 milliards de centimes. Une réquisition qui est conforme en tous points à la peine infligée aux concernés à l'issue du procès initial du 5 avril. La présidente du tribunal, Mme Aïcha Hanachi, avait annoncé, dès l'ouverture du procès en appel, que dans le souci de rendre le plus équitablement possible la justice elle était disposée à écouter «aussi longtemps que nécessaire» les explications de chacun des 9 accusés, pourvu que ceux-ci contribuent à faire éclater la vérité dans ce dossier. Force a été de constater qu'aucun élément nouveau n'aura été apporté par ces derniers et que l'auditoire autant que le tribunal n'en sauront pas plus qu'ils ne savaient déjà sur les implications des uns et des autres inculpés. Il y a eu certes des contradictions dans les déclarations du secrétaire général du ministère de tutelle, Boudamous Fethi, à propos de la rencontre qu'il a eue avec l'armateur algérien patron du Djazair 2 avant même l'ouverture de la saison de la pêche entachée par ce scandale. Surprenant tout le monde, Maamar Saadoun, puisque c'est de lui qu'il s'agit, a affirmé que le responsable l'aurait autorisé à participer à la pêche au thon rouge à condition qu'il y associe Hachemi Hasni, l'autre armateur algérien propriétaire du Chahid Hasni, convaincu aujourd'hui, comme lui, de blanchiment de capture et de faux et usage de faux. Cette révélation sera démentie avec véhémence par les deux accusés qui l'interprétèrent comme un «lâchage», alors que durant les deux procès en première instance jugés au tribunal correctionnel de Annaba, les trois accusés étaient sur la même longueur d'onde pour affirmer que l'autorisation de pêche avait été accordée aux Algériens sans contrainte aucune. Pour les Turcs, c'était une simple transaction commerciale Les armateurs turcs s'en tinrent à la version qu'ils ont livrée à la justice jusque-là, à savoir qu'ils n'étaient pas dans l'illégalité lorsque les garde-côtes les ont accostés à 5 milles au large de Annaba et qu'ils n'avaient fait que participer à un transfert de marchandise en haute mer. Une simple transaction commerciale, à leur avis, qui avait eu l'aval de la tutelle quelques semaines avant suite à l'intervention de la chancellerie turque d'Alger auprès de Boudamous. Ceci alors que le rapport d'enquête établi par les garde-côtes et qui soulignant le flagrant délit de blanchiment de capture indique clairement que la présence de ces navires turcs à hauteur des eaux territoriales nationales était illicite. Le directeur central de la pêche, Allam, dont on sait qu'il a été le premier à signaler aux garde-côtes locaux la présence suspecte de navires turcs et à déclencher l'enquête qui s'ensuivit après l'arraisonnement de ceux-ci et la saisie du produit de leur pêche, à savoir les 210 tonnes de thon rouge qui se trouvaient dans les cages qu'ils traînaient. Le directeur de la pêche a été invité à expliquer le déroulement de la saison de pêche du thon rouge 2009 et de rappeler la procédure légale régissant le transfert des produits halieutiques péchés. Ecouté attentivement par la présidente du tribunal, il a énuméré dans le détail toutes les modalités, en insistant sur l'importance des recommandations de l'ICCAT (la commission internationale pour la conservation des thonidés), qui est le véritable organisateur des saisons de pêche de cette espèce protégée. Allam indiquera que la présence des contrôleurs à bord des embarcations de pêche engagée dans l'opération de capture du thon rouge est exigée, ce qui dans le cas du Djazair n'avait pas été observé ou suppose des complicités. Autant de zones d'ombre que l'audience non-stop de mercredi n'aura pas réussi à éclairer, car après ces déclarations personne n'a pu savoir pourquoi les contrôleurs censés avoir suivi «la pêche fictive» de Saadoun et de son associé Hasni n'ont pas été convoqués cette fois encore par la justice. Doit-on s'attendre à une autre cassation de ce procès en appel pour savoir ce qui s'est réellement passé ce mémorable 10 juin 2009 ou penser à ranger l'affaire dite du thon rouge qui a fait couler tant d'encre ? Les seules vraies victimes auront été le trésor public algérien, qui perdrait chaque année des centaines de milliards dans des opérations du genre et… le directeur central de la pêche, qui aura payé chèrement son intransigeance quant au respect des lois.