Des peines de prison ferme de 8 et 6 ans respectivement à l'encontre du secrétaire général du ministère de la Pêche et du directeur des pêches maritimes et océaniques (DPMO) et de 5 ans encore contre les armateurs turcs et algériens ont été requises. Au terme d'une audience particulièrement éprouvante, qui s'était prolongée jusqu'à minuit, le tribunal correctionnel de Annaba a annoncé mercredi qu'il rendrait son verdict concernant l'affaire du thon rouge le 5 avril prochain. Les 9 prévenus, 2 hauts cadres du ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques, 2 armateurs algériens et 5 armateurs turcs, accusés d'abus d'autorité, de pêche illicite, de violation des lois et réglementations, complicité au délit de contrebande et indus avantages, ont-ils une chance de se voir acquitter ? Etat des lieux avant la fin du suspense... Le procès de l'affaire du blanchiment de capture du thon rouge en première instance s'est achevé, mercredi, aux alentours de minuit, sur les plaidoiries de la défense qui évoque des circonstances atténuantes et demande l'acquittement de tous les accusés. Dans la soirée, le procureur avait requis des peines de prison ferme de 8 et 6 ans respectivement à l'encontre du secrétaire général du ministère de la Pêche et du directeur des pêches maritimes et océaniques (DPMO) et de 5 ans de prison ferme encore contre les armateurs turcs et algériens. Des peines assorties pour ces derniers d'une amende équivalant dix fois le montant de la capture de thon et la saisie des embarcations et du matériel utilisé dans le cadre de cette opération de pêche illicite de thon rouge qui a entaché la saison 2009. Impeccable dans la direction des débats, bien qu'il n'ait été saisi du dossier que récemment en remplacement du juge Belbekir, un expert en droit maritime, le juge Farès a indiqué que la décision de condamner ou de relaxer les accusés serait rendue le lundi 5 avril prochain. Difficile, aujourd'hui, de faire un pronostic sur l'issue du procès, tant il y a eu de non-dits sur l'organisation des saisons de pêche du thon rouge en Algérie, des saisons qui sont pilotées, on le saura, d'une manière générale par la Commission internationale pour la conservation des thonidés (l'ICCAT). Pendant toute l'audience, en tout cas, ce magistrat a œuvré pour éclaircir les points obscurs du volumineux dossier mis à la disposition du tribunal, et qui a été étayé par les témoignages des représentants des directions des douanes algériennes, des impôts, des garde-côtes et d'une directrice centrale du ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques. Il aura tout particulièrement insisté sur la désignation des armateurs algériens retenus pour la capture du thon pendant la courte période annuelle et la répartition des quotas alloués en “national”. Sur ce point précis, il relèvera que le ministère n'a pas fait preuve d'encouragement en direction des investisseurs algériens, qui bénéficient en grande partie du soutien de l'Etat pour l'importation en devises fortes de leurs navires, mais qui n'ont pas toujours l'occasion de participer à ces saisons de pêche. Visé directement par ce qui est considéré par le magistrat comme étant un abus d'autorité, le secrétaire général du ministère de la Pêche tentera tant bien que mal de s'en défendre, mais finira par s'aligner sur les déclarations de son subordonné Allam, qu'il avait jusque-là présenté comme étant le seul et principal responsable de cette situation. Le DPMO, qui a été demis de ses fonctions suite à ce scandale, alors que c'est lui qui a été à l'origine de l'arraisonnement des embarcations et de la découverte du “pot aux roses”, a persisté, quant à lui, dans sa position, affirmant qu'il a de tout temps veillé à l'application stricte de la réglementation en vigueur en la matière, précisant que la pêche au thon est régie par des lois internationales s'agissant d'une ressource halieutique universelle et d'une espèce protégée. Les armateurs algériens n'arriveront pas, de leur côté, à démontrer qu'ils ont réellement pêché avec leurs moyens propres les 210 tonnes de thon rouge vivant qui étaient tractées par les thoniers turcs au moment de l'intervention des garde-côtes à 3 miles au large d'Annaba ce 10 juin 2009. Apostrophant le propriétaire du “Chahid Hasni”, l'un des deux navires algériens impliqués dans cette transaction frauduleuse, le juge Farès rappellera à ce dernier qu'il n'a toujours pas régularisé l'exportation vers la Turquie de 190 tonnes de thon rouge lors de la saison 2008. Ce à quoi cet armateur a répondu que si ce contentieux existe, c'est à cause des lourdeurs administratives qui ont fait que le dossier n'a pas été clôturé depuis son dépôt, il y a plus d'une année. Il aura du mal par contre à justifier sa connivence coupable avec les trois navires turcs dans la tentative de blanchiment des 210 tonnes de thon. Le rapport des garde-côtes, qui avaient procédé à leur interception, est sans équivoque, en effet ; il y est affirmé que ceux-ci avaient mis la main sur le produit d'une pêche pirate que tentait de couvrir l'armateur algérien propriétaire du palangrier “Djazaïr2” en compagnie du “Chahid Hasni”. Selon ce rapport, ni l'une ni l'autre des embarcations ne sont capables d'une capture de cette importance, en réalité n'ayant ni les filets ni les moyens de levage propres à ce genre d'activité.