Le verdict attendu dans l'affaire dite du thon rouge, qui a été jugée mercredi devant le tribunal correctionnel d'Annaba, devrait être rendu lundi 5 avril prochain. Les inculpés, deux cadres supérieurs du ministère de la pêche et des ressources halieutiques, six ressortissants turcs et deux armateurs algériens devront donc prendre leur mal en patience deux semaines de plus avant de connaître enfin la sentence du tribunal dans ce procès, qui a connu, rappelons-le, plusieurs reports depuis son ouverture en novembre 2009. L'angoisse de ceux-ci sera d'autant plus grande que les réquisitoires du ministère public à leur encontre sont très lourdes. Pour abus d'autorité, pêche illicite, violation des lois et réglementations, complicité avec le délit de contrebande et indus avantages, le procureur de la république a, en effet, requis une peine d'emprisonnement ferme de 8 ans à l'encontre du secrétaire général du ministère de la pêche, Boudamous Fethi, de 6 ans contre Allam Mohamed, directeur central de la pêche et de 5 ans pour les deux armateurs algériens. La même peine a été requise à l'encontre des 6 turcs en plus d'une amende évaluée à 10 fois la valeur des 210 tonnes de thon et la saisie des navires utilisés dans l'opération de pêche illicite ainsi que tout le matériel se trouvant à leur bord. Un réquisitoire en tout point pareil à celui prononcé, au terme de deux jours de débats mémorables, par le parquet à la toute première audience. Mercredi passé encore, l'audience a été éprouvante autant pour les accusés soumis au feu roulant des questions du juge Farés, qui s'est saisi depuis peu du dossier et qui ne voulait pas laisser de place au doute, que pour leurs défenseurs qui n'ont pu plaider que tard dans la soirée. Il faut signaler que l'audience ouverte à 9h s'est prolongée jusqu'à minuit passé. L'assistance retiendra de cette séance que le tribunal a mis à nu les liens ambigus qu'a entretenus le secrétaire général du ministère de la pêche avec les armateurs turcs et algériens dans la répartition de la «part nationale» de 888 tonnes sur le quota de 1117,42 tonnes de thon rouge octroyé par la Commission internationale pour la conservation des thonidés (l'ICCAT) à l'Algérie durant l'année 2009. Acculé par le magistrat, ce dernier se dédira à plusieurs reprises et ira jusqu'à s'aligner sur les déclarations du directeur de la pêche qu'il avait jusque-là présenté comme étant celui par qui le scandale est arrivé. Allam avait pu prouver pour sa part qu'il était le premier à signaler aux gardes-côtes la présence suspecte, le 10 juin 2009, des navires turcs à hauteur des eaux territoriales algériennes et qu'il avait ainsi pu déjouer l'opération de blanchiment de capture qui avait lieu entre ceux-ci et les deux navires algériens ce jour-là. Les armateurs turcs, de leur côté, auront eu beau dénoncer un soi-disant complot qu'auraient monté contre eux les responsables du MPRH en leur laissant croire qu'ils pouvaient participer à cette fameuse saison de pêche, sans pour autant leur avoir délivré d'autorisation écrite. On rappellera que les 3 navires battant pavillon turc font l'objet d'une saisie conservatoire depuis leur interception au large de Annaba. Le premier, «Akuadem 2», navire de ravitaillement, est à quai au port et son équipage consigné à bord, alors que les deux autres, le «Certer Ahmet» et le «Abdi Baba 3», dont l'un remorquait une cage de 40 mètres de large et de 50 mètres de profondeur contenant 210 tonnes de thon rouge vivant, sont immobilisés ainsi que leurs équipages, à quelques miles de la côte. Quant au propriétaire du «Chahid Hasni», le second armateur algérien convaincu lui aussi de connivence avec les turcs dans ladite opération de pêche illicite, ce procès n'aura été que le premier de ses démêlés à venir avec la justice, puisque le juge Farès lui a rappelé qu'il devra répondre d'une autre transaction considérée comme irrégulière bientôt. Selon le magistra, cet armateur aurait exporté, lors de la campagne de pêche au thon rouge de 2008, 190 autres tonnes de thon rouge vers la Turquie sans pour autant s'acquitter des charges fiscales et parafiscales. Tout en reconnaissant qu'il y a eu effectivement des lenteurs dans la régularisation du dossier de l'armateur Hasni, le représentant des douanes a déclaré lors de l'audience que son administration allait ouvrir une enquête à ce propos.