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«Dans 10 ans, nous aurons une armée de détenus» Amar Hamdini : avocat agréé à la Cour suprême et président de l'Association nationale de protection et de réinsertion des détenus
Dans cet entretien, le président de l'Association nationale de protection et de réinsertion des détenus (ANPRD) interpelle tous les acteurs de la société civile sur les dangers pouvant découler de la négligence vis-à-vis de cette frange de la société dont le nombre accroît de façon exponentielle. Il tire la sonnette d'alarme pour attirer l'attention des autorités sur la nécessité d'accorder plus de considération aux détenus, en accordant plus de facilités relatives à leur réinsertion effective. A ce sujet et tenant compte des retombées néfastes du phénomène de l'exclusion dont sont victimes des centaines d'anciens détenus de toutes catégories, il dresse un bilan critique et s'interroge sur les choix du département de la justice, notamment ceux allant dans le sens de la construction de dizaines de nouvelles prisons. Pourriez-vous nous donner les résultats obtenus par votre association concernant la réinsertion des détenus après leur libération ? Il faut savoir qu'il y a plusieurs catégories de détenus. D'abord ceux que ont purgé leur peine pour des délits qu'ils ont commis et il y a ceux qui ont enduré, à leurs corps défendant, des périodes de détention préventive. Cela dit, il convient de préciser que le droit à la réinsertion sociale est reconnu par les lois de la République aux deux catégories. Toutefois et en dépit des différentes contraintes que rencontrent tous les membres composant cette association, activant en divers lieux du territoire national, un peu plus de 1000 anciens détenus ont été réintégrés au sein de la vie active. Il y a ceux que nous avons réintégré au sein de l'entreprise qui les employait et ceux que nous avons assisté pour créer leur propre activité. Comment expliquez-vous l'attitude des pouvoirs publics concernant la réinsertion des détenus ? Je ne trouve pas de qualificatif approprié pour décrire cette attitude laxiste des autorités face au problème de la réinsertion des détenus dont le nombre ne cesse d'augmenter considérablement. Autant vous dire que si les autorités persistent, dans dix années, notre nation sera obligée de gérer une armée de détenus dont la grande majorité aura été la proie de l'oisiveté qui est la mère de tous le vices. Quelles solutions proposez-vous ? Nous espérons que les autorités locales soient plus coopératives, et sur ce volet, certains walis nous mettent les bâtons dans les roues lorsque nous organisons des rencontres de sensibilisation alors qu'ils devraient nous aider à prendre des mesures pour mettre un terme à l'expansion du crime. Il faudrait que ces responsables comprennent que la sensibilisation de la société commence au niveau des détenus. La réinsertion des détenus exige la tolérance des citoyens et des autorités. Sur ce chapitre, il est inconcevable que les élus convoitent les voix des anciens détenus et, par la suite, leur tournent le dos et méprisent leurs préoccupations et difficultés. En clair et au vu ds l'attitude des commis de l'Etat vis-à-vis des doléances des détenus ou du moins des détenteurs de casiers judiciaires, cela traduit l'absence d'une réelle volonté des autorités pour la prise en charge du chapitre de la réinsertion. J'ai toujours reproché aux autorités le financement et l'assistance des associations de danse, alors que de l'autre côté, elles sont sourdes aux appels des associations en charge des détenus. Quel est le rôle du ministère de la Justice ? Les gestionnaires de cette institution sont beaucoup plus occupés à faire dans les statistiques pour louer la modernisation de la justice. Je suis outré de voir que des budgets colossaux sont dégagés pour la construction de nouvelles prisons. Pour ma part, plutôt que de lancer des projets de construction de 99 nouvelles prisons, il aurait été plus judicieux d'injecter cet argent dans la construction d'établissements scolaires ou autres édifices spécialisés. Quelle est la cause des blocages rencontrés par les détenus ? La principale cause est le casier judiciaire, car il est la cause de l'exclusion des détenus quand bien même ils sont détenteurs de diplômes ou d'un niveau d'instruction appréciable. Ajouter à la prise en charge des détenus, l'association est assistée par des mécènes qui prennent en charge les trousseaux scolaires des enfants dont les familles sont dépourvues de revenus. Il faut que je signale que lorsque j'ai évoqué la non-assistance des autorités, je ne faisait pas allusion aux walis de Djelfa, de Guelma, de Khenchela et de Ouargla qui, dans un élan de grande solidarité, ont pris en charge certaines familles en leur accordant des logements et en acceptant de nous assister dans les regroupements de sensibilisation. Il est tout de même déplorable de constater que certains anciens détenus se sont immolés par le feu suite aux refus que leur ont signifié certains responsables de wilaya ou communaux. Pour parer aux besoins pressants de cette couche de la société, nous envisageons de créer un observatoire national pluridisciplinaire qui sera chargé de veiller aux droits des détenus et plus particulièrement ceux détenteurs de diplômes ou autres distinctions et de procéder à la supervision des prisons et des conditions de détention. Cette organisme, s'il vient à voir le jour, aura la mission de recensement des dysfonctionnements et créer un forum accessible à la société civile. Quelle a été la réponse des autorités ? Un silence assourdissant mais nous espérons que notre voix sera entendue un jour. Si cela venait à être concrétisé, pourquoi ne pas aller vers la création d'un observatoire arabe qui irait dans le sens du respect des droits de l'homme et dont le siège serait en Algérie. Entretien réalisé par