Dans un communiqué publié hier, le ministère espagnol des Affaires étrangères s'est félicité de la libération des marins du chalutier Sakoba, dont le capitaine est de nationalité espagnole, séquestrés le 26 février au large de l'océan Indien. Le communiqué se borne à indiquer que «cette libération est intervenue grâce à l'action du ministère espagnol des Affaires étrangères et de l'ambassade d'Espagne en Somalie». La même satisfaction a été exprimée par le chef de la diplomatie espagnole, Miguel Angel Moratinos, «pour le dénouement heureux de cette affaire», le même jour dans une déclaration au Sénat. Cependant, ni M. Moratinos ni aucune source officielle espagnole n'ont évoqué le prix payé pour la libération des marins otages des pirates somaliens. Le quotidien ABC, généralement bien informé, croit savoir dans son édition de ce mercredi que les otages du chalutier ont été libérés contre le paiement d'une rançon de 3 millions d'euros - les pirates en avaient exigé initialement le double - en se référant à une «déclaration» de M. Moratinos lui-même. Ce dernier, on le sait, a de tout temps nié que son gouvernement a versé la moindre somme d'argent aux pirates de l'Alakrama, chalutier espagnol arraisonné en septembre avec 37 marins à bord, qui avaient exigé et obtenu 3 millions d'euros pour la remise en liberté des otages. La presse espagnole avait révélé par la suite que cette somme avait bien été versée aux pirates mais (la précision est importante) par l'entreprise d'origine du chalutier. C'est là que se trouve toute la nuance dans les déclarations officielles à Madrid concernant le paiement des rançons aux pirates ou aux terroristes preneurs d'otages. Dans le cas des trois Espagnols enlevés en territoire mauritanien, le 29 novembre, par un groupe d'Al Qaïda pour le Maghreb islamique (Aqmi), dont le procès s'est ouvert hier à Nouakchott, le chef de la diplomatie espagnol a également nié l'intention prêtée à son gouvernement de verser une rançon aux terroristes pour obtenir leur libération. Des sources proches de la médiation en cours laissent entendre que ce n'est pas le gouvernement espagnol mais la fondation Kadhafi (autre précision de taille) qui avancera l'argent qu'une «autre partie» lui remboursera par la suite. Laquelle ? Tout le mystère de l'origine des rançons est là. Le gouvernement espagnol, qui a multiplié ces derniers temps ses contacts avec la Mauritanie, la Libye, le Mali et le Tchad en vue de chercher une issue au problème des deux otages espagnols encore en détention - le troisième, une femme, a été libéré depuis -, garde le silence sur le montant et l'origine de la contrepartie financière à octroyer. L'ouverture du procès des ravisseurs des trois espagnols est intervenue à un moment où le président mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz exclut toute idée de rançons ou d'échange d'otages contre prisonniers de l'Aqmi. D'où la crainte à Madrid que l'inflexibilité du président Ould Abdelaziz, accompagnée d'un lourd verdict au procès de Nouakchott, vienne compromette sérieusement les efforts de la diplomatie espagnole, qui continue d'explorer dans la discrétion également toutes les voies pouvant conduire à la libération des deux ressortissants espagnols encore aux mains de l'Aqmi.