Le versement de rançons financières par de nombreux pays occidentaux pour obtenir la libération de leurs ressortissants enlevés par lesgroupes terroristes d'Al Qaïda pour le Maghreb islamique, dans le Sahel, ainsi que par les pirates somaliens, est désormais un sujet tabou pour la plupart des pays occidentaux. Pourtant c'est depuis l'Occident que les consignes de fermeté et de rejet de tout contact avec le terrorisme ont été adressées aux pays où sévit ce fléau. L'Union européene semble avoir adapté sa stratégie de lutte contre le terrorisme à la seule sécurité de ses ressortissants, sachant l'usage que fait le terrorisme de son argent. Depuis l'affaire des otages allemands Tant que la vie de leurs ressortissants n'était pas en jeu, les gouvernements européens insistaient sur ce principe. Depuis qu'El Qaïda avait pris en otage, il y a quelques années, une trentaine de touristes allemands dans le sud algérien dont la moitié avait été libérée héroïquement par une unité des forces de l'ANP et l'autre transférée d'urgence par les ravisseurs dans le Nord du Mali, il est plutôt question de négociations secrètes avec les terroristes. C'est ce qui s'est passé avec l'Allemagne qui a dû verser 5 millions d'euros pour obtenir la libération de l'autre moitié des otages aux mains d'El Qaïda. L'organisation Ben Laden découvrait là une véritable mine d'or pour financer ses achats d'armes pour ses activités de terrorisme dans la région, notamment en Algérie. Après, l'Allemagne, l'Autriche, le Canada, le Royaume-Uni, à présent l'Espagne et l'Italie ne s'embrassent même plus d'avoir ignoré les engagements pris avec leurs partenaires, dont l'Algérie est en avant-plan, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Se référant au dernier communiqué d'El Qaïda pour le Maghreb islamique, le quotidien El Pais, proche du gouvernement Zapatero, a annoncé, lundi, en ouverture de son édition, que la «rançon» exigée par l'organisation terroriste qui a enlevé trois Espagnols, à la fin du mois de novembre dans le Nord de la Mauritanie, «est moins politique que financière». Contrairement à ce qu'ils avaient laissé entendre dans leur premier communiqué, les ravisseurs ne seraient pas intéressés, en fait, par la libération des «islamistes» emprisonnés en Espagne, mais plutôt par une importante somme d'argent dont le montant pourrait se chiffrer en millions d'euros. Cette condition semble avoir donné grande satisfaction aux Espagnols. La rançon, source de financement du terrorisme C'est admis, aujourd'hui, par tous les experts de la lutte antiterroriste que le non-respect des engagements pris par les pays occidentaux a permis à «AQMI d'assurer le financement de ses activités terroristes à partir des enlèvements d'étrangers et du trafic de drogue», puisque jusque-là «la libération de tous les otages aux mains des terroristes a été obtenue, par les gouvernements européens, moyennant exclusivement le versement de rançons». Le profil bas gardé par le gouvernement Zapatero sur cette question des rançons versées aux terroristes, après avoir versé le mois dernier 2 ou 3 millions d'euros (le montant exact est gardé secret) aux pirates somaliens pour obtenir la libération des séquestrés d'un thonier espagnol, dans l'océan indien, confirme l'option sans réserve de l'Espagne pour cette voie dans le cas des trois Espagnols, en plus d'un Français et d'un couple italien. A Madrid, tout comme à Paris et à Rome, on continue d'observer, scrupuleusement, un «silence prudent» sur le lieu de détention des six ressortissants européens. Le président José Luis Zapatero et son ministre des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, ont demandé aux journalistes, depuis le début de l'affaire, d'observer «de la prudence et de la discrétion», dans le traitement de l'information sur les otages, car toute indiscrétion pourrait être exploitée par les ravisseurs, comme ce fut le cas dans l'affaire des otages espagnols en Somalie». En fait, le souci c'est de faire le moins de publicité possible sur le paiement des rançons. Consignes appliquées à la lettre par les médias qui ne diffusent que les informations que le gouvernement espagnol voudrait voir paraître ou les communiqués de AQMI. Les «sources» habilitées à informer sont celles qui sont proches du CNI (Services de renseignements espagnols), le CNI croit savoir que le gouvernement malien sera l'«intermédiaire» entre l'Espagne et l'organisation terroriste El Qaïda pour le Maghreb islamique. On espère à Madrid que les ravisseurs fassent connaître leurs «conditions» – financières bien sûr – à la libération des otages à la veille des fêtes de fin d'année. Histoire de mieux négocier les «conditions exclusivement financières» à la libération des otages. Non-respect des engagements pris par les Européens Quel crédit faut-il donc accorder aux engagements antiterroristes des pays européens lorsque des pays comme l'Algérie, en premières lignes de ce front, se sont toujours conformés aux accords conclus dans le cadre de la lutte internationale (du 5+5 notamment) contre le terrorisme ? Dans sa loyauté, l'Algérie, elle, a toujours critiqué cette manière de faire des pays occidentaux. Le professeur de relations internationales, Carlos Echeveria, estime dans une interview que publie ABC que «l'existence d'une branche d'El Qaïda dénommée Al Andalous est en soi une menace sérieuse contre l'Espagne», car la libération de cette région prise aux musulmans en 1492 «est un objectif inscrit sur le long terme de l'organisation terroriste» que le gouvernement Zapatero prend au sérieux. Le même auteur ne croit donc pas à la planification, dans l'immédiat, au recours aux attentats terroristes «islamistes» en Espagne. La prise d'otages est une affaire autrement plus juteuse pour AQMI. Et puis, parce que «l'Espagne est très bien informée sur les activités d'El Qaïda pour le Maghreb islamique grâce à un bon niveau de collaboration antiterroriste avec les pays où cette organisation terroriste est implantée «comme l'Algérie». Le président Bouteflika a eu toutes les raisons du monde d'avertir les partenaires européens, depuis la dernière assemblée générale de l'ONU, des dangers qu'il y a pour tout le monde de céder aux exigences du terrorisme. Stratégie commune, pourquoi faire ? Dans leurs déclarations publiques ces partenaires ne tarissent pas d'éloges pour la loyauté de l'Algérie dans sa collaboration contre le terrorisme à l'échelle régionale et internationale. Cet hommage, la diplomate suédoise Carine Wall, qui conduisait une troïka européenne l'a exprimé lorsqu'elle était venue plaider, le 10 décembre à Alger, «une stratégie commune avec l'Algérie en matière de sécurité et de lutte antiterroriste dans la région sahelo-saharienne». La troïka a, certes, loué le rôle clé joué par l'Algérie pour assurer la sécurité dans cette région, tout en se félicitant de «la grande initiative» que représente le prochain sommet sur la sécurité et le développement dans le Sahel et le Sahara qui se tiendra en décembre à Bamako, avec la participation de l'Algérie, de la Libye, du Mali, du Niger, de la Mauritanie, du Tchad et Burkina Faso. Elle n'a, en revanche, fait aucune allusion à la fermeté face au terrorisme. C'est là toute la nuance, et de taille, qu'il faut voir désormais dans la nouvelle stratégie antiterroriste que propose l'Union européenne.