L'Iran a lancé hier, officiellement, sa première centrale nucléaire civile, en procédant au chargement du combustible nucléaire du réacteur de cette installation située à Bouchehr, dans le sud du pays, mettant au défi les puissances occidentales, qui ont fait tout pour l'en dissuader. L'opération s'est déroulée publiquement et c'est l'Organisation iranienne de l'énergie atomique (OIEA) qui a annoncé la nouvelle. «L'opération de transfert du combustible nucléaire vers le réacteur a été réalisée le 21 août en présence du vice-président Ali Akbar Salehi, chef de l'OIEA, et de Sergueï Kirienko, chef de l'agence nucléaire russe Rosatom qui a dirigé la construction de la centrale», a fait savoir cette organisation. Pour le responsable russe dont le pays a aidé à la construction de cette installation, «aujourd'hui est un grand jour». Son vis-à-vis iranien a qualifié de «mémorable» cet instant et a salué la coopération russe sans laquelle la centrale n'aurait pas vu le jour, compte tenu de l'opposition farouche des puissances occidentales à tout projet nucléaire iranien, susceptible, selon elles, de mettre en péril la sécurité internationale. Techniquement, l'Iran va parachever l'opération par le chargement des 163 barres de combustible dans le réacteur pendant deux semaines, sous l'œil de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), dont ce pays est membre. Selon un responsable iranien, «il faudra ensuite environ deux mois pour que le réacteur atteigne 50% de sa puissance et que la centrale de 1000 mégawatts puisse être raccordée au réseau électrique fin octobre ou début novembre». C'est là véritablement un défi à cet Occident, Etats-Unis en tête, qui refuse pour des considérations d'intérêts économiques et militaires, à tout autre pays non soumis à son diktat de se développer par ses propres moyens. On sait que la République islamique iranienne a fait l'objet de sanctions décidées par les puissants de ce monde pour tenter de l'affaiblir aussi bien politiquement qu'économiquement et au niveau technologique. Un concept fumeux Il y a eu en tout le vote de six résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, dont quatre assorties de sanctions contre ce pays accusé à tort, de développer l'arme nucléaire, sous des dehors civils. Ces soupçons persistants malgré les preuves apportées par l'Iran, à maintes reprises, de ses intentions pacifiques, sont toujours là, qui seront peut-être mis en avant pour justifier une attaque militaire contre ce pays, sous couvert de ce concept fumeux : la menace sur la sécurité internationale. C'est là la pratique courante dont recourent les puissances occidentales pour perpétuer leur domination imméritée sur le monde. Mais l'Iran n'entend pas abdiquer. Pour le vice-président Salehi, «le lancement de la centrale de Bouchehr constitue un succès technologique et politique pour l'Iran, et une arête en travers de la gorge de ses ennemis». Le premier d'entre eux est Israël, que les Occidentaux ont placé dans la région moyen-orientale, armée y compris avec le nucléaire, aidé militairement et économiquement, pour en faire leur poste avancé qui veille à leurs intérêts stratégiques. L'Iran qui a refusé cette «plaie» et qui le fait savoir sans discontinuer, depuis 1979, avec la création de la République islamique, sous les décombres du régime pro-occidental du shah, est dans la collimateur des Israéliens qui ne veulent absolument pas le voir accéder aux technologies modernes, de crainte de remettre en cause les plans de domination tous azimuts échafaudés par les puissances pour dicter leur vision du monde aux pays de la région. Pourtant, ce sont ces mêmes Occidentaux qui avaient voulu aider l'Iran d'avant 1979 à se doter d'une centrale nucléaire. En effet, il faut se remémorer qu'il y a 35 ans, l'Allemagne, proche de l'Iran du shah, avait entamé des travaux de construction d'une centrale, qui ont alors été arrêtés suite à la survenue du nouveau régime. Ces travaux interrompus aussi à cause de la guerre irano-irakienne, fabriquée de toute pièce pour juguler la montée de l'islamisme en Iran, avaient repris en 1995, par la Russie, désoviétisée. C'est aujourd'hui ce pays qui a obtenu des Nations unies l'aval que la centrale nucléaire de Bouchehr ne soit pas touchée par l'embargo international, en assurant le transfert de combustible en Iran, pour son fonctionnement et à le récupérer après usage. Dans cet ordre d'idée, le vice-ministre russe des Affaires étrangères a assuré que cette centrale «est totalement protégée de tout risque de prolifération». Une phobie qui habite les esprits des puissants d'abord soucieux de conserver leur mainmise sur cette technologie pour la vendre comme bon leur semble à qui ils veulent et au prix qu'ils veulent. La production de combustible, un point qui fâche ? Pour la petite histoire, le réacteur fourni par les Russes coûte la bagatelle de 850 millions de dollars. Ces derniers n'ont jamais ignoré que l'Iran est incapable de fabriquer l'arme nucléaire avec de l'uranium enrichi à 20%. Ils savent pour l'avoir réalisé que la fabrication de cette arme nécessite de l'uranium enrichi à plus de 90%. Il n'empêche, le ministre russe des Affaires étrangères leur a assuré aussi que «la centrale de Bouchehr serait utilisée uniquement à des fins civiles et cela est garanti à 100%». L'Iran a besoin de combustible pour faire fonctionner sa centrale destinée à produire de l'énergie comme ses semblables installées dans les pays développés, mais aussi pour en construire d'autres. C'est pourquoi, les autorités iraniennes sont déterminées à poursuivre l'enrichissement de l'uranium pour produire du combustible pour les faire tourner. Cette décision a été réaffirmée lors de l'inauguration de la centrale de Bouchehr, mais aussi bien avant. Ainsi, la semaine dernière, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a chargé son gouvernement à poursuivre les travaux d'enrichissement d'uranium à 20% pour alimenter le réacteur de recherche national conformément à la nouvelle loi adoptée par le Parlement iranien le mois dernier. Cette poursuite vise à «rendre l'Iran indépendante en matière de technologie» et lui permettre de «prendre des mesures de rétorsion contre les pays essayant d'inspecter les navires iraniens ou refusant d'approvisionner les avions iraniens en kérosène». C'est que les sanctions sont passées par là ! Dans les milieux occidentaux, la Russie est mal vue, et des médias l'accusent déjà de trahison pour avoir fourni le combustible à l'Iran. C'est là un gros marché juteux qui a échappé à la France et d'autres puissances nucléaires qui auraient bien aimé le prendre. En dépit des assurances russes sur le caractère pacifique de cette centrale nucléaire, les menaces d'une attaque contre l'Iran n'ont pas cessé. Des analystes occidentaux n'écartent pas la destruction de cette installation, qui serait alors une catastrophe pour le peuple iranien et ceux de la région. Un des va-t-en-guerre américain l'ancien ambassadeur américain aux Nations unies durant l'invasion de l'Irak, John Bolton, a dit la semaine dernière aux Israéliens qu'il leur restait «huit jours pour détruire la centrale avant sa mise en service». Ces derniers vont-ils rester les bras croisés ? C'est dans ce sens qu'à la veille du lancement de la centrale par l'Iran que le Premier ministre israélien a téléphoné à son homologue russe, Vladimir Poutine, et l'on devine sur quel sujet ont porté les discussions. Israël va-t-il réagir par la force ? Il faut savoir que le président iranien en est conscient, lui qui vient de rappeler que son pays était prêt à faire face à toute agression extérieure.