La chaîne de télévision espagnole TV3 a montré, lundi soir, des images insolites où l'on voyait côte à côte les deux otages espagnols, Roque Pascual et Albert Vilalta, plaisantant comme de «bons amis» avec Omar Sid Ahmed Uld Hamma, alias Sahraoui, l'auteur principal de leur enlèvement le 29 novembre. D'autres images prises au même endroit montrent les deux Espagnols aux côtés du ressortissant mauritanien Mustapha Chafi, le conseiller du président Blaise Compaoré qui a conduit la médiation avec Al Qaïda pour le Maghreb islamique (Aqmi) et obtenu leur libération. Omar Sahraoui se volatilise La scène se passait dans un véhicule tout-terrain à l'arrêt en plein désert malien, peu de temps avant que les deux Catalans soient recueillis par un hélicoptère du Burkina Faso et Sahraoui extradé vers Bamako. Ce terroriste avait été arrêté au début de l'année en cours et condamné pour prise d'otage à la clémente peine de 12 ans de prison par la justice mauritanienne au cours d'une mascarade de procès en juillet dernier, dans le but évident de faire activer la libération des deux Espagnols. Depuis dimanche soir les deux ex-otages sont rentrés chez eux au grand soulagement de leurs familles et du gouvernement espagnol qui a fait un forcing diplomatique durant les neuf mois de leur captivité, en direction du Mali, de la Mauritanie et du Burkina Faso. En revanche, on est sans nouvelles depuis mardi du Malien Sahraoui qui semble s'être volatilisé dans le désert. Selon le quotidien espagnol AB qui cite une «source militaire malienne» sous couvert de l'anonymat, Omar Sahraoui avait été conduit depuis le lieu où s'était effectuée l'opération d'échange vers la base du Service national de la jeunesse à Bamako. Le ministère malien de la Justice s'est refusé à toute déclaration sur cette mystérieuse disparition au motif qu'il n'était pas concerné par cette affaire. On se tait à Bamako et on ne se pose pas de questions à Nouakchott autour d'une disparition vraisemblablement organisée sur la base de l'accord passé entre Aqmi, les autorités maliennes et mauritaniennes et le gouvernement espagnol dont les services de renseignements étaient présents sur les lieux où s'était effectuée l'opération d'échange, non loin de la frontière entre le Mali et le Burkina Faso. Beaucoup d'indices rappellent pourtant le scénario mis en place avec la parodie de procès de Bamako qui avait abouti à la libération, en février, de quatre membres d'Aqmi, dont deux dangereux terroristes algériens, contre celle de l'otage français Pierre Camette, suite à un scandaleux marché passé secrètement entre les gouvernements français et malien, le 14 décembre 2009. Madrid ne convainc pas Le gouvernement espagnol veut faire croire sans convaincre à une libération obtenue gracieusement à la suite d'un effort diplomatique mené, certes, adroitement, en direction du Mali, pays de détention des otages, de la Mauritanie où était détenu Omar Sahraoui et du Burkina Faso où était engagée la médiation de Mustapha Chafi. Un accord à ce propos avait, en effet, été négocié en juillet à Nouakchott, entre le ministre espagnol des Affaires étrangères, Moratinos, accompagné du directeur du CNI (services secrets espagnols), Felix Sanz Roldán, et le président mauritanien sur l'extradition de Omar Sahraoui vers le Mali. Lundi, le président Zapatero a dans une série de conversations téléphoniques «chaleureusement remerciés» les présidents de ces trois pays. En revanche, rien n'a été dit sur une éventuelle conversation téléphonique avec le colonel Muamar Kadhafi qui a, pourtant, joué un rôle clé dans cette affaire par le biais des nombreux chefs de tribus maliens sur lesquels il exerce une réelle influence. Au cours d'une récente visite à Tripoli, le président Zapatero avait déjà remercié par anticipation et de vive voix le président libyen pour le versement contre remboursement par la Fondation Kadhafi de la totalité de la rançon exigée par le chef d'Aqmi, Mokhtar Benmohtar, à la libération des Espagnols. En évitant soigneusement d'appeler Kadhafi pour le remercier en même temps que les trois autres dirigeants africains, le président Zapatero voulait naturellement éviter la question gênante de la rançon. Quel montant ? Si, en dehors du gouvernement espagnol, personne ne conteste plus le principe de cette rançon, pas même implicitement au sein du gouvernement espagnol, c'est, toutefois, sur son montant que tout le monde n'est pas d'accord. La presse malienne a avancé, hier, celui de 5 millions d'euros. Lundi matin, El Mundo a assuré, pour sa part, que la libération des deux ressortissants espagnols a pris un retard de près de neuf mois non pas à cause de la question des 7 millions d'euros réglés au début de l'année par la Libye, mais en raison de la difficulté de satisfaire les exigences d'Aqmi concernant la libération de ses membres emprisonnés en Mauritanie. Hier matin, le quotidien ABC estimait la rançon totale à 8 millions d'euros dont une partie avait été payée par Madrid pour obtenir la libération de Alicia Gaméz, la troisième otage catalane enlevée en même temps que ses deux compagnons catalans avant d'être libérée par Benmokhtar. Pour ce journal, «jamais le gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero ne reconnaîtra de manière formelle avoir payé une rançon aux ravisseurs tout simplement parce que c'est un acte illégal». Une résolution sur les rançons est-elle possible ? L'Algérie plaide activement, en ce moment, pour faire adopter par le Conseil de sécurité une résolution condamnant le paiement des rançons au terrorisme par les gouvernements occidentaux, qui servent à l'achat d'armement par Aqmi pour soutenir les activités de ses réduits dans le nord du pays. Jusque-là, les pays occidentaux se sont mis à l'abri de ces accusations à la manière de la Camorra qui ne touche pas directement à la drogue, en confiant cette mission à des parties tierces.